Novella 2 - Inizio Luglio


Capitolo 1

— Tu ne comprends pas, Paul ! soupira Kyle en secouant la tête.
Le Dux Reum se retint de soupirer à son tour. Son ancien apprenti avait un culot incroyable. Kyle osait venir lui demander de prononcer une sanction exemplaire contre Kris. Ce dernier avait attaqué le clan de Miguel mais il était sous le contrôle des inhumants, des souterrains qui avaient la capacité d'ôter les émotions humaines. Paul ne parvenait pas à comprendre cette haine de Kyle envers Kris. Ils avaient pourtant vécu ensemble durant des siècles mais cette haine n'avait que croître. Au grand dam de Paul, qui avait tout essayé pour les réconcilier.
— C'est toi qui ne saisit pas, Kyle ! Je comprends parfaitement les enjeux de toute cette histoires figure-toi ! Je ne suis pas né de la dernière pluie au cas où tu ne l'aurais pas remarqué ! Mais je ne ferais pas une sanction exemplaire sur Kris alors qu'il n'était pas lui-même. De toute manière, ce n'est pas à toi de décider, c'est au Tribunal ! Et je te rappelle que nous n'avons pas encore décidé qui pourra remplacer Kris parmi les juges.
Kyle eut un grognement de dédain. Paul n'aima pas ce qu'il indiquait.
— Ne penses pas que tu es en tête de liste, Kyle ! Tu as tes chances, c'est vrai ! Mais tu n'es pas le seul auquel le conseil a pensé. Gardes-ça en tête ! Tant que tu ne seras pas officiellement nommé comme juge, je ne supporterai pas que tu me dises comment gérer cette affaire !
La colère du Dux Reum était palpable mais elle n'impressionnait pas Kyle. Il se contenta de s'approcher de Paul et de le fixer dans les yeux.
— Tu sais très bien que le Conseil me nommera. Je mérite cette place. Et quand ce sera fait, nous en reparlerons. Sois certain que Kris n'en ressortira pas impuni. Je ne laisserai pas Miguel sur la touche pour sauver ton précieux apprenti.
Paul était dépité d'entendre cela.
— Mon précieux apprenti ? Alors il ne s'agit toujours que de cela... ta jalousie, Kyle. Quand admettras-tu qu'elle n'existe que dans ta tête ? Quand accepteras-tu de faire la paix avec Kris ?
Le défendeur ne répondit pas mais sa mâchoire joua, signe que l'énervement le gagnait. Kyle remonta sa manche et appuya sur le lapis-lazuli qui ornait son bracelet. Sa projection astrale disparut et Paul souffla. 
Il s'assit sur une chaise, vidé. Le poids des soucis s'accumulait. Comme si devoir gérer la fin d'une guerre où des centaines de défendeurs étaient morts et un procès où son meilleur défendeur était accusé d'avoir tué quatre des leurs n'était pas assez épuisant, il devait à présent ajouter les problèmes d'ego de Kyle. Les responsabilités de Dux Reum étaient parfois écrasantes.
— Valens, je veux bien t'aider mais ça ne sert à rien maintenant, fit Naples en apparaissant dans le sous-sol. Et puis, je n'ai pas le temps. Il faudrait remettre ça à plus tard.
— Oui mais c'est maintenant que j'ai envie. Si j'attends, je sens que ça va foirer quand j'aurais besoin.
Paul vit son compagnon arriver à son tour. Naples leva les yeux au ciel, ennuyé d'avance.
— Ce n'est pas pressé à la minute. Tu as eu ton Initiation, c'est très bien. Mais ton Apprentissage n'est prévu que dans un an.
— Je veux être prêt le plus vite possible ! insista Valens.
— Ce n'est pas comme ça que ça doit fonctionner, commença Naples avant de se rendre compte de la présence de Paul.
Le Dux Reum fit un sourire timide et son compagnon comprit immédiatement que quelque chose n'allait pas. Il était bien conscient qu'après les récents évènements, Paul ne pouvait pas aller bien.
— Naples, allez ! continua Valens.
— On verra ça plus tard, fit-il sur un ton ferme en regardant son compagnon dans les yeux.
Valens hésita puis perçut lui aussi la présence de Paul. Il mit quelques secondes supplémentaires à comprendre que Naples voulait discuter avec leur chef et hocha la tête, non sans grommeler. Il remonta les marches sous le regard amusé de ses compagnons.
— L'enthousiasme de la jeunesse, sourit Paul.
Naples hocha la tête en prenant une chaise pour s'installer à côté du Dux Reum.
— Depuis qu'il a réussi l'Initiation et qu'il a vaincu son blocage psychologique, il n'arrête pas de vouloir étudier. Il engrange les connaissances à une vitesse folle. Mais il n'a pas encore compris la différence entre apprendre et maîtriser. J'aimerais qu'il prenne le temps d'assimiler avant de passer à autre chose.
— La patience n'a jamais été son fort, remarqua le Dux Reum.
— Je ne peux pas te donner tort.
— C'est pour ça que tu refuses de l'aider ou bien parce que tu as une autre préoccupation en tête ?
Naples ne s'étonna pas de la perspicacité du Dux Reum. Il avait effectivement d'autres préoccupations que l'Apprentissage de Valens. Son assistant Leonardo, appelé Leo, avait démontré des capacités étranges ces derniers mois. La première fois en étant blessé mystérieusement par un artéfact souterrain puis la deuxième en guérissant tout aussi mystérieusement. Ensuite, il y avait eu quelques altérations dans son aura dont Naples cherchait toujours la cause. 
Paul était bien évidemment au courant. Mais les évènements s'étaient précipités. La guerre contre Dragus avait éclaté et Naples n'avait pas pu se concentrer sur ce problème. Et bien que la guerre soit terminée depuis un mois à présent, il s'était concentré sur la réapparition des pégases. 
Ces chevaux ailés avaient choisi plusieurs défendeurs comme compagnons et cela redistribuait un peu les cartes entre les clans. Sans compter qu'on ne savait presque rien d'eux et Naples était retrouvé encore charge des recherches les concernant. Il avait réussi à compiler pas mal de données pour le moment mais il lui tardait de se focaliser de nouveau sur son assistant. 
Et le Dux Reum en avait parfaitement conscience. 
Mais Naples n'était dupe. En lui posant cette question, Paul espérait le pousser à parler de ses préoccupations pour ne pas avoir à faire face aux siennes. Mais le défendeur savait par expérience qu'enfouir ses soucis n'avait comme seule utilité de les renforcer et de les pousser à éclater un jour ou l'autre. Il ne se laissa donc pas mener en bateau. 
— Dis-moi plutôt pourquoi tu tirais cette tête, lâcha-t-il donc.
Paul ne répondit pas et se détourna. Il était vexé que son compagnon ne se soit pas laissé prendre à son jeu et plus encore qu'il lui pose une question dont la réponse l'irritait.
— C'est un truc de Dux Reum, éluda-t-il, priant pour que cela fonctionne.
— Tu ne vas pas me faire ce coup-là, prévint Naples, amusé. Je sais que tout ce qui a trait à l'enquête sur Kris ou à l'affaire de Miguel est secret. Je ne te demande pas de violer ça. Je te demande simplement pourquoi tu avais la tête de quelqu'un à qui on a volé son dessert préféré.
— Il y a une tête pour ça ? plaisanta Paul. (Sous le regard insistant de son compagnon, il reprit, résigné :) Bon, d'accord. Mais ça concerne quand même un peu mes prérogatives de Dux Reum. Alors je vais t'en parler mais laconiquement. Je ne te dirai qu'une seule chose et tu devras en tirer tes propres conclusions.
Naples accepta le défi. Il était très bon pour échafauder des hypothèses à partir de rien. Après tout, c'était la base du métier d'historien.
— Kyle m'a rendu une petite visite, avoua donc Paul après quelques secondes.
Il regarda ensuite Naples et vit qu'il était en train de peser les tenants et aboutissants de cette révélation. Puis son compagnon soupira.
— Je vois, fit-il. Il a encore dû essayer de te convaincre qu'il fallait faire un exemple de Kris sans tenir compte des circonstances. Sa jalousie envers lui est encore vivace et comme par hasard il s'est rangé du côté de Miguel. Et tu as dû le rembarrer en lui disant qu'il n'était pas membre du Conseil ni du Tribunal et que tant que ce ne serait pas le cas il pourrait garder ses impressions pour lui. Mais tu sais pertinemment que tu vas devoir compter avec son avis puisque ça ne fait aucun doute que ce sera lui qui sera choisi pour remplacer Kris en tant que juge. Ai-je un tantinet raison ?
Paul retint un rire moqueur. Naples était toujours aussi bon pour les déductions. Et il le connaissait trop bien.
— A deux trois détails près, oui, affirma le Dux Reum.
— Je sais que cette situation est pesante pour toi, fit Naples alors qu'un silence s'étirait entre eux. C'est ton poulain, ton apprenti.
— Tu dis ça comme si Kris était ma chose, grimaça Paul.
Son compagnon pencha la tête sur le côté.
— Tu sais parfaitement que c'est le cas. Sans vouloir minimiser Kris, c'est parce que tu as combattu pour qu'il soit accepté parmi les défendeurs qu'il a pu y entrer. Le Conseil ne voulait pas de lui au départ. Il était jugé bien trop puissant et menaçant. C'est toi qui a démontré à tout le monde qu'on devait lui faire confiance. Qu'il n'y avait que comme ça qu'on pourrait s'assurer de l'avoir à nos côtés.
« J'admets que si Kris n'avait pas eu la volonté de se ranger, tu te serais lamentablement foiré. Mais tu es comme ça. Tu vois toujours le bon côté des gens. C'est cet optimisme qui te permet d'accepter des souterrains dans les rangs des défendeurs et de leur donner une seconde chance. C'est cet optimisme qui nous fait dire à tous que le Tribunal et le Conseil sont impartiaux. Mais c'est aussi cet optimisme qui te fait t'attacher aux personnes, parfois trop. Tu as appris la leçon avec Kris et Kyle. Tu les aimais pareillement mais ils se sont déchirés pour cet amour. Tu ne commets plus les mêmes erreurs mais c'est quand même en toi.
« Kris sera toujours particulier à tes yeux. C'est pour ça que tu ne seras jamais vraiment objectif quand cela le concerne. C'est pour ça que certains défendeurs s'inquiètent de savoir la décision que tu prendras parce qu'il ne faut pas qu'elle soit en sa faveur... du moins, pas si des faits objectifs penchent pour le contraire. Je sais que Kris lui-même aura peur que tu ne sois trop gentil avec lui à cause de tout ça. Et c'est d'ailleurs précisément la raison pour laquelle le Conseil votera pour que Kyle siège.
— Pour qu'il y ait un équilibre et que l'impartialité du Tribunal soit respectée, termina Paul.
Il savait déjà tout cela mais l'entendre verbaliser par quelqu'un d'autre le rendait plus réel. Il se laissa tomber contre le dossier de sa chaise. Le fardeau s'alourdissait.
— Si Kyle fait partie des juges, peu importe que la décision que vous prendrez soit favorable ou non à Kris, elle sera respectée. Et c'est cela qui te mine. Tu voudrais que Kyle et Kris se réconcilient. En offrant la possibilité à Kyle de juger Kris, tu as peur que cela cristallise leurs rapports. Mais je dois t'annoncer une chose, Paul. Cela fait plus de six cents ans qu'ils ne s'entendent pas malgré tes tentatives de réconciliation. Oublie ça.
— Naples, tu sais... toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, lâcha Paul.
 Entendre tout cela à voix haute rendait les choses plus affreuses. Il avait l'impression qu'on lui lançait son échec à la figure.
— Mais elles sont toutes bonnes à entendre, même si certaines sont douloureuses, contra Naples. Et puis, nous sommes tous là pour toi. Tu le sais. Nous t'épaulerons.
Paul eut un sourire. Lucia avait déjà commencé à le dérider en cherchant des pratiques sexuelles qu'ils n'auraient pas encore essayé. Ce qui était difficile à trouver mais finalement possibles à dégoter et diablement exotiques. Cesare s'était mis en tête de lui faire découvrir les meilleurs films de ces dernières décennies et Paul commençait à prendre goût à leur soirée cinéma. Valens avait réussi son Initiation même si la Réunion où les épreuves s'étaient déroulées avait été morose à cause de la guerre et de la trahison de Kris. Mais le fait de voir son compagnon évoluer enfin avait rempli Paul de joie. 
Bref, il savait que chacun à leur manière, ils s'étaient donné le mot pour le divertir. Et cela fonctionnait. Très bien même. Il eut un regard espiègle vers son compagnon.
— Puisque tu le dis... change-moi donc les idées. Parle-moi de ton assistant.

Capitolo 2

Naples reprit ses notes. Il avait conservé toutes les choses étranges qui étaient arrivés à Leo ces derniers temps. Réactions avec des artéfacts, absences, mouvements inexpliqués... tout ce qui pouvait constituer des indices de ce qu'il était. 
Lorsqu'il avait réagi avec une soucoupe chibcha qui servait dans un rituel de magie de sang, Naples avait compris que Leo, contrairement à ce qu'il semblait, n'était pas qu'humain. Il ne sentait pas le céleste non plus et cela aurait étonné le défendeur qu'il soit un souterrain. Il ne restait donc pas beaucoup de choix. Dans la catégorie des gens magiques, il ne restait désormais que gitans, qui faisaient globalement partie des célestes bien qu'il y ait des exceptions, ou Leïs. 
Alors, il avait fait une recherche approfondie sur Leo, son enfance, ce qu'il avait fait pendant sa vie, s'il y avait eu d'autres phénomènes inexpliqués autour de lui. Il s'était renseigné auprès des personnes avec qui il avait collaboré, professeurs, archéologues, conservateurs, restaurateurs, historiens... mais aucun ne se souvenait de quelque chose en particulier. 
Il n'était plus resté que la solution de l'interroger directement. Ce qui n'était pas facile. Naples avait passé ces trois derniers mois absorbé dans ses recherches et dans la lutte contre les souterrains. L'année universitaire se finissait et il y avait eu beaucoup à faire de ce côté-là aussi. Il avait donc du mal à savoir comment aborder ce sujet alors qu'ils n'en avaient pas parlé depuis. 
Paul lui avait conseillé de faire ça dans un lieu où il se sentirait à l'aise. Ce qui n'était pas facile pour Naples. Il ignorait bien ce que pouvait aimer son assistant.
— Professeur, j'ai terminé la paperasse pour mon voyage en Colombie, annonça Leo en entrant dans le bureau.
Naples releva la tête et cacha rapidement les feuilles qu'il compulsait. Il n'avait pas envie que Leo pense qu'il était un harceleur. Ce qui pouvait drôlement le faire penser.
— Pas d'imprévu ? demanda-t-il donc.
— Non aucun. J'ai rendez-vous demain avec le médecin de l'université pour les vaccins réglementaires et je pourrais partir.
Naples hocha la tête. C'était une bonne chose. Les fouilles commenceraient dans un mois, il fallait que tout soit prêt le plus vite possible. Les autorités colombiennes ne laissaient pas les historiens et archéologues outrepassaient le temps qui leur avait été alloué. Et avec les dernières données, Naples était pessimiste quand à leur capacité à respecter les délais. Le temple qu'ils allaient fouiller s'avérait être bien plus grand que prévu et, comble de tout, une bonne partie était immergée sous l'eau. 
Les fouilles sous-marine prenaient toujours plus de temps que les autres. Six mois, ça allait être court. Mais l'équipe était excellente, savait ce qu'il fallait faire et Naples pouvait espérer, puisqu'ils collaboraient avec le musée local, une petite rallonge peut-être.
— C'est dommage que vous ne veniez pas. Ça promet d'être riche en découvertes, un temple inconnu..., fit Leo avec un grand sourire.
Naples haussa les épaules.
— Oui, possible. Mais je dois rester ici, je ne peux pas quitter l'université pour un semestre. Je ne vois personne à qui confier mes cours. Et je ne peux pas vous demander de me céder votre place. À moins que vous ne préfériez donner des cours...
Leo resta bête quelques instants puis plissa les yeux.
— Est-ce que vous seriez en train de faire de l'humour ? s'enquit-il, stupéfait.
Naples eut un sourire. Il avait fini par s'habituer à l'humour particulier de son assistant et peut-être que cela finissait par déteindre sur lui.
— Je n'aurais jamais pensé que vous en étiez capable... ou alors, un humour pince sans rire peut-être..., continua Leo, souriant.
L'ambiance était détendue et Naples crut qu'il s'agissait du bon moment pour poser une question personnelle.
— Vous aimez les pâtisseries, Leo ?
L'assistant eut un air étonné. S'agissait-il d'une vraie question ou bien d'une blague à la chute maladroite ? Le professeur n'avait jamais posé une question de ce type, à tel point que Leo s'était persuadé que s'il arrivait un jour le visage en sang et la chemise déchirée, Naples lui ferait simplement la remarque qu'il aurait pu se changer avant de venir mais sans lui demander ce qui lui était arrivé.
— Je crois que non, grimaça Naples, voyant l'air déconfit de son assistant. Peut-être un café juste alors ?
— Non, je..., s'empressa de réagir Leo. (Il adorait les pâtisseries, même si cela l'obligeait à allonger d'une heure le temps qu'il passait à la salle de sport.) J'adore les pâtisseries. Pourquoi ?
Naples masqua sa surprise face à ce revirement mais fut satisfait.
— Je connais une pâtisserie pas très loin qui fait salon de thé. Leur mousse à la framboise est tout simplement divine. Nous pourrions y aller pour... fêter votre prochain départ, improvisa-t-il en toute hâte. Les vacances universitaires ne vont pas tarder et nous n'aurons peut-être pas le temps. (Leo hésitait visiblement et Naples se sentit obligé d'ajouter:) Bien sûr si vous avez autre chose de prévu, nous pouvons...
— Non, je n'ai rien de prévu, fit Leo, pressé. Ce serait bien oui.
Il était enthousiaste, peut-être un peu trop. Mais Naples, trop heureux de voir que son piège fonctionnait, ne s'en aperçut pas.
— Dans ce cas, puisque nous avons terminé notre travail, allons-y.
Il prit sa veste et la passa alors que Leo acquiesçait. Son assistant récupéra son sempiternel sac en bandoulière noir usé et ils sortirent du bureau. Naples le ferma à clef et ils descendirent du bâtiment administratif. Dans sa tête, le défendeur se demandait comment il allait faire pour aborder le sujet. Les questions qu'il devait poser étaient personnelles et il finit par se dire qu'il n'y avait pas de moyen délicat de faire cela. Elles seraient toujours intrusives. Surtout venant de la part d'un supérieur hiérarchique. Il espérait que Leo ait assez d'humour pour ne pas s'offusquer.
— Vous aimez aussi les pâtisseries ? demanda Leo mais Naples ne comprit pas tout de suite, absorbé dans ses réflexions.
— Quoi ?
— Si vous connaissez une pâtisserie, c'est que vous devez aimer ça, fit Leo, gêné.
Il se passa une main derrière la nuque, trahissant sa nervosité. De nouveau, Naples ne s'en aperçut pas.
— Hein, oh pas spécialement. Mais ma compagne m'en a parlé. Elle en raffole.
— Oh, votre compagne. Oui, je vois, fit son assistant, déçu.
Naples trouva cette remarque étrange avant de se souvenir que chez les humains ce mot revêtait une signification différente de chez les défendeurs.
— Ce n'est pas ma compagne à proprement parler. Nous sommes colocataires. Mais nous ne... nous ne sommes pas ensemble, se sentit-il donc obligé de préciser.
— Ah bon, fit Leo, visiblement soulagé.
Naples acquiesça mais ne s'aperçut pas du poids qu'il venait d'ôter des épaules de son assistant. Il pensait plutôt au fait que, vu la manière dont Lucia se comportait avec ses autres colocataires, sa relation avec Cesare et Paul pouvait passer aux yeux des humains pour un amour triangulaire.
— Donc vous n'aimez pas la pâtisserie... c'est gentil à vous de m'y accompagner, sourit Leo.
Naples ne comprit pas la blague et haussa les épaules.
— Je ne déteste pas ça non plus. Il ne faut pas exagérer. Mais je ne serais pas prêt à traverser tout Rome pour déguster un bon gâteau.
Leo acquiesça, enregistrant l'information. Ils parvinrent à la pâtisserie quelques instants plus tard. Leo n'aurait jamais parié que c'était une bonne pâtisserie. La devanture était vieille, craquelée et les gâteaux en vitrine manquaient clairement d'ambition. Quand ils pénétrèrent dans la boutique, une odeur de rhum et de pâte à gâteau envahit leurs narines.
— Bonjour, fit Naples en souriant.
La serveuse, une femme d'une quarantaine d'années lui rendit son sourire.
— Ce serait pour manger sur place, annonça le défendeur et elle hocha la tête.
Elle leur fit signe de monter à l'étage, par un étroit escalier en fer disposé en colimaçon. Leo n'était pas très rassuré mais ne voulait pas le montrer. Aussi ne fit-il aucune remarque sur la vétusté apparente du lieu. Il se demanda soudainement si ce n'était pas un bizutage quelconque et si le professeur n'allait pas lui proposer des cakes aux vers ou des gâteaux à la crotte de nez. 
Ils arrivèrent dans une grande pièce, meublée sobrement avec des tables et des chaises vieillottes mais apparemment assez solides pour supporter le poids de quelqu'un. Du moment que ce n'était pas un amateur de pâtisseries et un déserteur des salles de sport. Naples choisit une table près de la fenêtre qui donnait sur la rue et enleva sa veste qu'il posa sur le dossier de la chaise. Il semblait à l'aise dans cet environnement ce qui étonna Leo. Pour faire bonne figure, il essaya de se détendre. 
La serveuse revint quelques instants plus tard pour prendre leur commande.
— Euh... Vous n'auriez pas une carte ?
Naples sourit et secoua la tête.
— J'aurais dû vous prévenir. C'est une pâtisserie un peu spéciale... Julia ?
Il y avait visiblement une complicité entre les deux et Leo en fut irrémédiablement jaloux. Cela montrait que le professeur était un habitué et il découvrait un côté de son supérieur qu'il n'aurait jamais envisagé.
— Oui, Naples, je lui explique, sourit la serveuse. Vous me donnez vos parfums préférés de gâteau et le chef vous concocte une surprise.
Leo haussa les sourcils, étonné. Il n'avait jamais entendu parler d'un tel concept.
— Par exemple, pour moi ce sera framboise et vanille, fit Naples pour aider son assistant.
— D'accord... euh..., hésita Leo. Chocolat, rhum, banane ? tenta-t-il peu sûr de la réaction de la serveuse.
Mais elle se contenta de lui sourire et de repartir au rez-de-chaussée.
— Je ne savais pas que ça se faisait, murmura Leo.
Naples se contenta de sourire. 
Il ne pouvait pas lui dire que c'était une pâtisserie tenue par deux souterrains, des rieracks qui fabriquaient des gâteaux en fonction de l'humeur des clients. Cela aurait été déplacé.
— Cela permet de ne jamais se contenter de la même chose. On a toujours des surprises.
— Elle a l'air de bien vous connaître, effectivement, fit Leo.
Il aurait voulu que sa jalousie ne transpire pas dans sa voix mais il savait que c'était vain. Naples ne s'en aperçut toujours pas.
— Je viens ici depuis quelques années. C'est un endroit assez sympa, confirma-t-il.
Leo acquiesça. Il attendait de voir. L'idée du bizutage restait cependant présente dans son esprit. Et puis, un bruit s'éleva du rez-de-chaussée. Naples se redressa, aux aguets. Son assistant ne l'avait jamais vu réagir comme cela, comme si le professeur avait laissé la place à quelqu'un d'autre. Cela le remplit de curiosité mais pas autant que le hurlement bestial qui retentit ensuite. Et encore moins que la réaction du professeur. 
Il se leva souplement de sa chaise et descendit rapidement les marches de l'escalier. Désemparé, Leo prit son téléphone et appela la police tout en suivant le professeur. Les hurlements continuaient et quand il descendit la dernière marche, il resta stupéfait. Il vit deux lutins aux longues oreilles pointues et tombantes, couverts de verrues, se serraient l'un contre l'autre, tremblants derrière le comptoir. 
Cela le laissa sans voix mais ce fut surtout Naples qui l'estomaqua. Il était en train de combattre une bête énorme, entièrement jaune, avec des cornes tout autour de la tête et des tentacules qui battaient les airs et lui servaient visiblement de pied. Une horrible odeur d'oeuf pourri avait envahi la boutique. 
Leo resta figé, sans bouger. Une curieuse sensation l'envahissait, qui n'était pas de la peur. Il admira les mouvements souples de Naples qui se révélait être un magnifique guerrier. Sa fascination s'accrut et atteint son paroxysme quand Naples bondit sur le dos de la créature et lui enfonça une dague dans la tête. Elle tomba morte et le défendeur se réceptionna souplement. Ils échangèrent un regard et Naples soupira en essuyant la lame de sa dague. 
Il allait devoir s'expliquer...  

Capitolo 3

Ce n'était pas vraiment ce que Naples avait imaginé. Au lieu de poser des questions personnelles à Leo, c'était lui qui était sur la sellette. Et son assistant ne semblait pas en démordre. Il voulait des réponses. Naples aurait pu lui jeter un sort d'oubli mais il s'y refusait. Après tout, Leo n'était pas un humain ordinaire et Naples n'était pas dupe. Tôt ou tard, il devrait apprendre l'existence de son univers... 
Mais la vision des rieracks, celle du ders... comment faire pour la lui cacher. Carnaval ? Ce n'était pas la période. Sans parler du sang qui avait inondé la lame de sa dague. Peut-être finalement que répondre à ses questions allaient lui permettre d'en savoir plus sur Leo et de déterminer ce qu'il était. Ce serait toujours ça. 
— Naples, répondez-moi !
Le défendeur sortit de ses réflexions. Il avait entendu le flot de questions sortir de la bouche de son assistant mais n'y avait pas encore prêté attention. Curieux puisqu'il était prêt à tout lui avouer. Il leva les yeux vers Leo dont la mâchoire jouait. Visiblement, il était hors de lui, cherchant des réponses, encore légèrement sous le coup de l'adrénaline.
— Soit, soupira le défendeur. Par quoi voulez-vous commencer ?
— Par quoi je veux..., répéta Leo, incrédule. À votre avis ?
Naples jeta un œil vers les rieracks. Ils étaient encore apeurés mais essayaient de se maîtriser. Il lui faudrait leur poser des questions. L'attaque d'un ders en plein cœur de Rome, c'était inhabituel.
— Je ne sais pas. Vous pourriez vous demander ce que sont ces créatures ou bien la raison pour laquelle je porte une dague dissimulée dans mon dos ou encore pourquoi je ne suis pas étonné par tout ça... il y a le choix, répondit le professeur en haussant les épaules.
Leo ouvrit la bouche mais ne dit rien. C'était un mélange de tout cela il supposait. Son cerveau essayait encore d'assimiler ce qu'il avait vu. Mais il y avait trop d'informations. Il vit la carcasse de la créature que Naples avait tué. Un liquide vert s'échappait de ses tentacules et commençait à ronger le carrelage de la boutique. 
Des silhouettes bougèrent et il vit les deux lutins aux longues oreilles s'approchaient de Naples. Ils semblaient inoffensifs mais restaient des monstres à ses yeux. Il fit un pas de recul, légèrement inquiet.
— Naples, je suis désolée, fit l'un des deux en tordant ses doigts noueux et griffus.
Leo réprima une grimace de dégoût et fut stupéfait de voir Naples s'agenouiller auprès de la créature et lui poser une main sur l'épaule.
— Ne t'inquiète pas, Julia, assura-t-il d'une voix bienveillante. Ce n'est rien. Je préfère avoir été là plutôt qu'il vous soit arrivé quelque chose.
— On va s'occuper du ders, promit l'autre lutin. Remontez vous asseoir, je vous amène vos pâtisseries.
Naples hésita. Il regarda Leo mais ce dernier avait un air mi-hébété mi-dégouté. Peut-être que du sucre lui ferait-il du bien.
— Merci, fit donc le défendeur avant de se lever et de regarder Leo dans les yeux.
Son assistant mit quelques secondes avant de se rendre compte de sa présence. Julia ? Pourquoi Naples appelait-il ce lutin par le nom de la serveuse ? Il était encore sous le choc puis un mouvement attira son attention. Les deux lutins s'agitaient en portant leur main sur la poitrine. Leo n'eut pas le temps d'avoir peur ou de réagir. Quelques secondes après, deux humains se tenaient devant lui. 
La serveuse, Julia, et un homme, probablement le chef pâtissier, vêtu d'un tablier taché. Naples perçut l'étonnement de son assistant et le força à le regarder dans les yeux.
— Leo, montons. Je vais vous expliquer, assura-t-il.
Il avait une voix persuasive et Leo acquiesça, docile. Ils empruntèrent l'escalier et se réinstallèrent à leur table. Rien n'avait changé dans cette pièce et Leo retrouva la veste du professeur ainsi que son sac, posé négligemment par terre. La familiarité le surprit et le rassura. Tout en lui faisant prendre compte de l'incongruité de ce qu'il venait de se produire.
— Posez-moi vos questions, fit Naples en s'asseyant.
Leo hésita puis soupira.
— Expliquez-moi juste...
Le professeur secoua la tête.
— Non, je ne peux pas faire ce genre choses. Je risquerais de vous dire des choses que vous n'avez pas assimilé. Je préfère que les questions viennent de vous. Ce sera plus facile pour digérer ce que vous ne saisissez pas.
Leo ne comprit pas tout mais sut qu'il n'avait pas le choix. Il avait besoin de réponses. Naples en avait.
— Très bien... est-ce que je suis fou ?
C'était une plaisanterie, histoire de détendre un peu l'atmosphère. Naples la prit au pied de la lettre.
— Non, vous n'êtes pas fou.
Quelque part, ce n'était pas rassurant. Leo aurait préféré que Naples dise quelque chose du genre : « Oui vous êtes fou. Vous vous êtes levé comme un dératé et vous avez hurlé. J'ai appelé l'asile. Ils arrivent pour vous emmener. Ne vous inquiétez pas, c'est un très bon asile. »
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Qu'est-ce que c'était que ce... monstre ? hésita-t-il après quelques instants. Pourquoi... pourquoi vous n'êtes pas aussi surpris que moi ?
— Ce monstre était un ders, répondit Naples sur un ton professoral. C'est un souterrain, de la catégorie des guerriers. En général, ils obéissent aux ordres de quelqu'un mais parfois ils agissent sur l'impulsion du moment. On ne peut les tuer qu'en leur ouvrant le crâne. Le reste de leur corps est parfaitement invulnérable aux attaques, armes blanches ou armes à feu.
— Un ders ? répéta Leo.
Il avait pensé que verbaliser le nom de ce monstre l'aiderait. Mais non. Il ne restait alors plus que l'humour.
— Qui c'est qui choisit les noms ? Ders, c'est un peu moisi, non ?
Naples ne fut pas sensible à la plaisanterie. Il haussa les épaules.
— La plupart des noms des races de souterrains ont été donnés par leur créateurs. Nous ne faisons que les reprendre, éventuellement les traduire ou bien les adapter à notre langue pour qu'ils soient prononçables. Mais la plupart ont été donnés il y a des millénaires de cela. Nous n'avons plus vraiment le choix.
Un mal de crâne se déclara chez Leo.
— Races de souterrains ?
Naples prit une profonde inspiration.
— Les humains ne sont pas les seuls à vivre sur Terre. Il y a d'autres créatures qui peuplent le monde. Les souterrains sont des races qui peuplent Subterraneis, une cité souterraine. La plupart sont assimilés aux créatures peuplant les mythes et légendes humains : loups-garous, vampires ou encore démons. Ce sont eux qui sont à l'origine de tout ce folklore maléfique.
— Et les lutins ?
Naples pencha la tête avant de comprendre qu'il voulait parler de la serveuse et du pâtissier.
— Des rieracks. Ce sont aussi des souterrains mais ils sont pacifiques. Tous les souterrains ne sont pas méchants. Vous n'avez rien à craindre d'eux.
Leo déglutit et se rejeta sur la chaise. Il avait besoin de temps pour assimiler ce qu'il avait vu et entendu. Il aurait pu dire que Naples était fou mais il avait vu ce qu'il avait vu. Il se souvenait des détails, de l'odeur, des gestes de Naples... Par conséquent, il ne pouvait que croire ce que disait le professeur. D'autant qu'il ne notait dans sa voix aucune inflexion qui aurait pu mettre en doute son récit. 
La serveuse arriva à ce moment avec deux assiettes. Elle déposa une « mousse de bananes flambées au rhum avec ses éclats de chocolat noir » pour lui et une « glace à la vanille aux morceaux de framboises avec son coulis de menthe » pour Naples. Le défendeur la remercia d'un sourire alors que Leo la dévisageait. Elle n'y prêta pas attention et redescendit.
— Ils sont humains aussi ? demanda Leo.
— Non. C'est une apparence que leur confère le collier qu'ils portent, expliqua Naples. Ils sont souterrains mais se sont installés sur Terre. Ils essaient simplement de vivre comme des humains, loin de Subterraneis. Certains souterrains n'aiment pas l'ambiance de la cité souterraine.
— Et vous ?
Naples s'apprêtait à déguster sa glace mais au regard de Leo, il comprit que son assistant commençait à douter. Il reposa sa cuillère.
— Je ne suis pas un souterrain, assura-t-il. Je les connais mais je n'en suis pas un. Je suis un céleste.
— C'est quoi ça ?
— C'est une autre sorte de créatures qui peuplent le monde, expliqua patiemment Naples. Si les souterrains viennent des démons, les célestes proviennent des anges.
— Sérieusement ? Les anges et les démons ?
De nouveau, il avait voulu faire de l'humour. La dérision était la seule chose qu'il arrivait à faire quand il était en stress.
— Ce n'est pas aussi schématique que cela, grimaça Naples. Mais il y a des créatures provenant des enfants de Belzébuth et des créatures issues des amours angéliques. N'essayez pas de tout comprendre d'un coup, vous allez vous perdre. C'est comme si vous étiez en train de découvrir une nouvelle civilisation. Prenez chaque élément l'un après l'autre et rejetez vos a priori.
Leo aurait voulu lui dire qu'après avoir eu la peur de sa vie, il allait avoir du mal à être détaché mais l'historien en lui était sensible à l'argument.
— D'accord, donc les anges et les démons. Dois-je m'attendre à voir débarquer Jesus et ses douze apôtres ?
Naples lui lança un regard sévère.
— Les walkyries de la mythologie nordique existent bel et bien et sont des célestes. L'appellation ange est générique et ne veut pas dire que cela se raccroche à une religion ou à une autre. C'est une classification commode pour différencier les types d'êtres. C'est tout. Et je ne vous dirai rien de plus sur ce sujet.
Leo encaissa le reproche.
— Donc, les souterrains sont les méchants et les célestes sont les bons ? Mais il y a des gentils chez les méchants... et des méchants chez les gentils ?
Il y avait encore une pointe d'ironie dans sa voix mais Naples décida de laisser couler. Il avait besoin d'être ainsi pour accepter la situation.
— Je n'ai jamais rencontré de céleste méchant, avoua Naples. Mais je suppose que cela peut arriver.
— Donc, les célestes combattent les souterrains ?
— Oui. Mais certains souterrains nous aident aussi. Plus largement, nous nous appelons les défendeurs. Et nous protégeons les humains contre les attaques de souterrains. Comme tout à l'heure.
— D'où la dague.
— D'où la dague, confirma Naples.
— Putain de merde..., jura Leo.
Son cerveau allait craquer sous l'afflux d'informations. Il allait avoir besoin de temps...

Capitolo 4

— Alors, finalement tu n'as rien obtenu de lui ? s'étonna Lucia.
Naples venait de lui raconter ce qu'il s'était passé à la pâtisserie. Il s'était écroulé dans le canapé. Il avait fallu près de deux heures d'explication pour que Leo accepte l'inexplicable. Une fois tout cela fait, Naples n'avait pas su comment aborder le sujet de la nature particulière de son assistant. Il estimait que cela suffisait pour la journée. Alors il était rentré. Il était vanné.
— Non, je n'ai pas voulu pousser ma chance. J'ai déjà de la veine qu'il ne se soit pas évanoui ou qu'il ne m'ait pas traité de fou... je ne voulais pas tenter Belzébuth.
Sa compagne hocha la tête. À sa place, elle aurait fait pareil. Elle ramena un verre d'eau pétillante à son compagnon qui la gratifia d'un sourire reconnaissant.
— Pourquoi ce ders s'en est-il pris à Julia et Artie ? Ils sont installés ici depuis des années, c'est étrange... et puis, c'est rare que les souterrains s'en prennent à Rome.
— Il ne s'en est pas pris à Rome ou à des humains mais uniquement à des rieracks, corrigea Naples après avoir bu quelques gorgées d'eau.
Les pâtisseries d'Artie étaient délicieuses mais il était toujours particulièrement assoiffé après avoir mangé une glace.
— C'était personnel alors ? tenta Lucia, étonnée.
Elle ne voyait pas qui pourrait en vouloir à deux rieracks aussi sympa que Julia et Artie.
— C'est ce qu'Artie semble vouloir insinuer, confirma Naples.
— Qu'est-ce qu'il t'a dit exactement ?
— Rien de particulier. Les rieracks sont censés être des serviteurs. Apparemment, Julia et Artie servaient deux souterrains différents, des scientifiques. Mais ces deux-là ne s'entendaient pas bien. Et la relation entre leurs serviteurs ne leur avait pas plu. Ils ont essayé de les séparer mais Artie n'a rien voulu savoir. Il est parti en emmenant Julia et ils sont venus s'installer à Rome.
— J'ignorais qu'ils étaient venus s'installer pour ça, remarqua Lucia en faisant la moue. Ça a un côté romantique.
Naples pencha la tête. C'était elle qui parlait de romantisme.
— Comme si ça te touchait, railla-t-il.
— C'est pas parce que ma physiologie m'oblige à privilégier les relations purement physiques que je suis insensible aux émotions, rétorqua-t-elle. J'aime bien les histoires d'amour... sans forcément être dégoulinantes de bons sentiments.
Son compagnon n'ajouta rien. Elle disait sans doute vrai mais depuis qu'il la connaissait, et cela faisait maintenant quelques siècles, il ne l'avait jamais vue tomber amoureuse d'un homme.
— Tu sais que les souterrains qui viennent sur Terre le font parce qu'ils ont en général été traqués à Subterraneis ?
Elle leva les yeux au ciel. Elle n'aimait pas son ton donneur de leçons, comme si elle était trop naïve.
— Je sais bien. Mais c'est toujours une histoire de territoire ou d'ego surdimensionnés. Pour une fois, c'est l'amour... ça change. C'est plus sympa. Tu crois qu'on pourra les aider ? Que ce ders était au service d'un des deux scientifiques qu'ils servaient ?
— Je l'ignore. Peut-être oui. Mais je ne comprends pas pourquoi il aurait mis tant d'années à se manifester.
— Rome est connue pour être une ville céleste. Avec toutes les auras célestes émanant du Vatican, les souterrains n'aiment pas y vivre. Généralement, ils l'évitent comme la peste. Peut-être que cela a empêché leurs poursuivants de les trouver avant tout ce temps, suggéra Lucia. Ce qui expliquerait pourquoi ils ont ouvert une pâtisserie à Rome. J'avais toujours trouvé ça bizarre.
— Qu'ils ouvrent une pâtisserie ? sourit Naples.
Lucia lui donna un léger coup dans l'épaule.
— Non, idiot. Qu'ils s'installent à Rome. Je serais souterrain, ce n'est pas l'endroit où je voudrais vivre. New York, ça serait plus sympa. Avec tous les meurtres et toutes les fusillades, j'aurais l'impression d'être à Subterraneis.
— Tu sais que s'ils viennent habiter sur Terre, c'est précisément pour ne pas se sentir comme à Subterraneis.
— Oui bon d'accord... au pire j'aurais tenté ma chance à Ezeldar. La cité aérienne n'est pas l'idéal mais au moins les auras célestes y sont beaucoup moins importantes. Le climat est plus respirable. Rome me paraît pas indiquée.
— D'un autre côté, quand tu fuis quelque part, tu essaies d'aller dans un endroit où personne ne penserait à te trouver, raisonna Naples. De ce point de vue, Rome est un excellent choix.
Lucia hocha la tête. Elle ne pouvait pas nier que son compagnon avait raison.
— J'en parlerai à Paul à son retour, soupira Naples en posant sa tête contre le dossier du canapé. Je verrai ce qu'il veut qu'on fasse.
— Et pour Leo ? Tu comptes faire quoi ?
Naples soupira. Cette question le turlupinait.
— Je suppose que quand je le verrai demain à l'université, on pourra discuter. Il aura sans doute des milliers de questions mais bon... Paul est parti où déjà ?
Lucia eut un petit rire. Elle adorait quand Naples changeait de sujet. Cela prouvait qu'il n'était pas à l'aise. Et sans qu'elle sache pourquoi, elle adorait le mettre mal à l'aise. Mais elle accéda à sa requête.
— En Pennsylvanie. Un nid de vampires apparemment.
Naples haussa les sourcils d'étonnement.
— Un nid de vampires ? Qui est chef là-bas ?
— Randall Frazier, fit Lucia, légèrement moqueuse.
Naples comprit pourquoi. Le défendeur avait la réputation d'être un tantinet imbu de lui-même et surtout de son pays natal. Les Etats-Unis étaient, selon lui, le meilleur pays humain du monde. C'était une horreur de bosser avec lui.
— Et il appelle pour un nid de vampires ? s'amusa Naples. Les tout-puissants Américains ne peuvent pas s'en charger ?
— Apparemment, non. Paul est parti avec Cesare et Valens.
— Pas toi ?
— Bosser avec Randall ? Tu plaisantes, j'espère ! À chaque fois qu'il me voit, il a ce regard qui dit : « je peux t'avoir quand je veux dans mon lit ». S'il croit que je vais écarter les cuisses juste parce que mes hormones en ont besoin, il délire. Je préfèrerai me faire prendre par un qresben.
Naples admira l'image. Les qresben et leurs bras hérissés de pointes n'étaient pas les plus sexys des souterrains. Naples ne connaissait pas la morphologie de leur appendice sexuel mais s'il était aussi recouvert de pointes...
— Je vois, fit-il. Mais c'est anormal, non ? Ils sont combien là-bas... sept ? hésita-t-il mais Lucia confirma d'un hochement de tête. Et ils ont eu besoin de l'aide de trois défendeurs supplémentaires ?
— Quatre, puisqu'ils ont demandé que je vienne aussi, corrigea Lucia.
Naples n'ajouta rien. C'était intriguant.
— Naples, tu es ou ? demanda Paul par télépathie.
— A la maison, pourquoi ?
— Prépare-toi, je passe te prendre. Lucia, ça vaut pour toi aussi !
— Quoi ? Oh non ! Paul...
— Pas de discussion ! Préparez-vous, je passe dans cinq minutes ! 
Lucia allait répondre mais le Dux Reum coupa la communication. Elle fit la moue, comme une enfant à qui on aurait refusé son caprice et croisa les bras sur sa poitrine.
— La plaie, cracha-t-elle alors que Naples se levait.
— Dis-toi qu'on pourra peut-être voir Randall se faire ridiculiser par des vampires, sourit son compagnon pour l'encourager.
— Y a intérêt, marmonna-t-elle en se levant de mauvaise grâce.
Ils descendirent au sous-sol et s'armèrent, s'emparant d'arbalètes, de dagues et autres pieux en bois. Lucia saisit un flacon d'eau bénite et s'en aspergea le cou. Naples fronça les sourcils.
— Qu'est-ce que tu fais ? s'étonna-t-il.
Elle lui lança un regard de biais.
— J'ai pas de sang de céleste, moi. Je suis pas un répulsif vivant. J'ai pas envie que ces crevures de vampires me mordent le cou. Leurs plaies mettent toujours trois plombes à se refermer et je ressemble à rien.
Naples ne fit aucun commentaire. Il comprenait mais doutait néanmoins de l'efficacité de la méthode. Il était subitement bien content d'être un céleste et que son sang, contenant des gênes angéliques, soit un poison pour les souterrains. Cela lui permettait de ne pas s'inquiéter des morsures des vampires et autres « mordeurs » souterrains.
— Vous êtes prêts ? demanda Paul en apparaissant près d'eux.
— Ça fait pas cinq minutes, souligna Lucia qui voulait éviter de passer une seconde superflue en compagnie de Randall.
Paul lui lança un regard aigu.
— Il y a urgence. Il y a un dantal avec les vampires, annonça-t-il avant de prendre la main de ses compagnons et de les téléporter directement dans le nid de vampires.
Naples étouffa un juron alors que la bataille avait déjà commencé entre les défendeurs et les vampires. Il assimila ce que venait de dire Paul. Un dantal. Ce qui signifiait que c'était ce souterrain qui devait être abattu en priorité. Les vampires fuiraient ensuite très probablement une fois son emprise sur eux perdue.
— Naples, rejoins Valens. Vous êtes céleste, vous avez plus de chance de vous frayer un chemin vers le dantal.
Naples allait protester. Il n'avait aucune envie d'être en première ligne quand le dantal mourrait.
— Toi aussi, tu es un céleste, fit-il en regardant le Dux Reum.
— Oui, mais cette chemise coûte une fortune, tacla Paul avant de se jeter dans la mêlée.
Il enfonça son épée dans le thorax d'un vampire avant de la retirer rapidement et de décapiter proprement le souterrain. Un autre adversaire courut vers lui et il l'esquiva d'un pas sur le côté avant de planter sa lame dans son dos puis de décoller la tête de ses épaules. Il n'eut pas le temps de tomber que son corps était déjà réduit en poussière.
Mû par son instinct, il se retourna pour contrer l'attaque d'un autre vampire mais à peine avait-il levé son épée que le souterrain disparut en poussière. Lucia apparut derrière et lui adressa un clin d'oeil avant de se tourner pour donner un coup de pied retourné dans la tête d'un autre souterrain. 
Elle arma ensuite son arbalète et tira un carreau de bois dans sa poitrine. Le vampire mourut et elle tira deux autres traits dans le dos de deux souterrains qui menaçaient Randall. Elle regretta aussitôt son action parce qu'il se retourna et la gratifia d'un grand sourire et d'un salut américain. Elle eut un frisson en voyant ses cheveux gominés et loua le vampire qui la désarma d'un coup de pied.  

Capitolo 5

Lucia évita le crochet du vampire qui l'avait désarmée et virevolta pour dégainer son poignard et dans le même temps le lui planter dans l'estomac. Le vampire se plia sous le choc et elle lui donna un coup de poing dans le nez avant de le faire trébucher. Il s'étala par terre et elle récupéra un carreau de bois dans son carquois pour le lui planter dans le thorax. 
Elle évita de justesse la faux de Valens qu'il balançait dans les airs.
— Hey ! Regarde ce que tu fais ! lâcha-t-elle.
— Désolé, fit son compagnon.
Il fit de nouveau virevolter son arme et décapita deux vampires. Il adorait la faux. Il comprenait pourquoi on l'avait attribuée à la Mort. C'était une arme absolument géniale. Il fit un pas sur le côté pour éviter l'attaque d'un vampire et se recula avant de l'égorger d'un geste rapide.
— Valens, il faut que nous avancions ! lui cria Naples en donnant un coup de pied dans le genou d'un vampire.
La jambe du souterrain ploya et Naples en profita pour, par derrière, lui planter un pieu en bois dans le cœur. Le vampire disparut et le défendeur se baissa pour éviter la jambe d'un autre vampire. Agenouillé, il prit la jambe et la renvoya d'où elle venait. Le souterrain trébucha et il bondit pour l'achever d'un pieu dans la poitrine.
— Par où tu veux qu'on passe ? s'énerva Valens en décapitant deux nouveaux vampires.
Naples se mit à réfléchir. Les suceurs de sang étaient très nombreux. Il savait que les nids pouvaient être surpeuplés mais là ça dépassait son entendement. Les vampires devaient être des dizaines. Il se demanda comment Randall avait pu laisser proliférer un tel nid sans rien faire. 
Il regarda le dantal à l'autre bout de la caverne. C'était un être horrible, boursouflé, avec des verrues et des excroissances partout sur le corps. La silhouette de base était sans doute celle d'un lézard mais il n'en restait plus rien, à part peut-être une longue queue qui se terminait par une boule piquante. Il avait des yeux de serpents et une gueule immense dotée de crocs qui l'empêchaient de parler clairement. 
Non pas que les dantal aient besoin de s'exprimer beaucoup puisqu'ils étaient tous télépathes et pouvaient facilement manipuler l'esprit des autres souterrains, surtout ceux dotés d'une part humaine comme les vampires ou les loups-garous, leurs proies de prédilection. 
Du coup, évidemment, les vampires faisaient tout pour que le chemin jusqu'à lui soit impossible à franchir. Ils se mettaient systématiquement en travers de leur chemin, comme des abeilles protégeant leur reine. Une fois qu'ils seraient proches du dantal, ce serait facile. Cette race n'avait pas beaucoup d'atouts guerriers et étaient vulnérables à la plupart des armes blanches. Un coup de la faux de Valens et ça en serait terminé. 
Naples reçut un coup dans le dos et fit un pas en avant pour ne pas tomber. Il se retourna dans le même mouvement et asséna un coup de pied circulaire à son assaillant en pleine mâchoire. Le vampire bougea à peine la tête et le défendeur haussa les sourcils de surprise. Ça, c'était plutôt rare. 
Le souterrain lui sourit puis se jeta sur lui. Naples essaya de résister mais c'était une montagne de muscles et il fut bientôt collé contre le mur. Le souterrain serra ses deux énormes mains sur la gorge du défendeur et Naples chercha de l'air.
— Putain de céleste ! Vous êtes même pas comestibles, cracha le vampire en s'acharnant encore plus sur la gorge du défendeur.
Naples battit des mains et essaya de griffer le visage du vampire mais échoua. Le souterrain n'en avait cure. L'air venait à lui manquait et il s'efforça de trouver une solution. Il rassembla ses pieds pour ensuite donner un puissant coup dans le thorax de son adversaire mais il n'avait pas assez de place pour effectuer la manœuvre. Il tenta de prendre un pieu en bois mais le vampire le plaqua plus durement contre la paroi. 
Alors qu'il pensait que sa dernière heure était venue, le vampire disparut en poussière et il tomba à terre. Paul le releva et vérifia rapidement qu'il n'avait rien. Naples essayait de reprendre de l'air. Sa gorge était douloureuse et son corps était en coton.
— Ça ira ? s'enquit le Dux Reum.
— Ouais, ouais, assura Naples et son compagnon hocha la tête avant de repartir dans la mêlée.
Paul changea ses plans et rejoignit Valens. Il décapita un vampire avec sa hache, balaya les jambes d'un autre avant d'abattre son arme sur sa nuque puis lança un pieu dans le dos d'un troisième qui menaçait Britney, une des compagnes de Randall. La défendeur le remercia d'un signe de tête avant de planter ses griffes dans la gorge d'un autre vampire. 
Elle déchiqueta son cou puis cassa la colonne vertébrale du souterrain méticuleusement et Paul se détourna. Il savait que les brisga pouvaient se montrer particulièrement bestiaux quand il s'agissait de tuer mais il n'aimait pas que ses défendeurs fassent preuve de la sauvagerie des souterrains, même quand ils en étaient eux-mêmes. Il était pleinement conscient qu'il ne pouvait pas éviter, comme aujourd'hui, les élans instinctifs mais il espérait toujours que c'était par manque de maîtrise et non consciemment que les défendeurs se laissaient aller à leurs penchants pendant les batailles. 
Lors de la guerre contre Dragus, il avait vu certains défendeurs prendre des libertés avec cette règle, comme Errol qui avait laissé libre cours à son loup-garou. Puisque le combat avait été rude, il avait décidé de laisser couler mais il lui faudrait faire une piqûre de rappel un de ces quatre. 
Il essaya de se reconcentrer et chercha Valens du regard. Son protégé était en train de pourfendre des vampires avec sa faux et il se fraya un chemin à travers leurs adversaires, tranchant et brisant ce qui était à sa portée.
— Valens, approchons-nous du dantal ! ordonna-t-il.
— Tu crois que j'essaie de faire quoi depuis tout à l'heure ? s'énerva son compagnon.
Paul analysa la situation. Ça ne marchait pas et il commençait à en avoir marre.
— Bon, allez, ça suffit, déclara-t-il avant de prendre Valens par la main.
— Qu'est-ce que tu... ? s'étonna son compagnon avant que Paul ne les téléporte à un mètre du dantal. Sérieux ? Tu pouvais pas faire ça avant ?
Le Dux Reum haussa les épaules.
— Tuer des vampires, ça m'a toujours détendu. Mais c'est comme tout, quand ça dure trop, ça perd de son intérêt.
Valens sourit en secouant la tête, amusé. Il fut rapidement rappelé à l'ordre par un vampire qui se jetait sur lui. Il se plia instinctivement et le souterrain bascula par-dessus son corps. Paul se contenta de le décapiter quand il fut au sol et les deux défendeurs s'approchèrent du dantal. 
Le Dux Reum sentit qu'on essayait de pénétrer dans son esprit. Depuis qu'ils combattaient, il avait tissé un bouclier de protection mental sur chacun des défendeurs pour éviter que le dantal ne les prenne sous ses ordres. Ce qui commençait à l'épuiser. Mais il donna une dernière impulsion pour contrer l'attaque mentale du souterrain. Les dantal étaient puissants certes mais il ne se débrouillait pas trop mal non plus.
— Valens, à toi de jouer, ordonna-t-il et son compagnon s'avança, la faux à la main.
Il avait revêtu une cape noire avec une capuche et Paul s'en amusa. Il fallait vraiment qu'il joue à la Mort jusqu'au bout. Paul balança sa hache pour empêcher un vampire d'atteindre son protégé. La lame s'enfonça dans le thorax du souterrain et il la ressortit pour, d'un mouvement souple, le décapiter promptement. 
Valens s'approcha du dantal qui fouetta l'air de sa queue. Le défendeur fit un pas sur le côté pour éviter l'appendice puis fit virevolter sa faux. Elle se planta dans la chair du dantal, à la base du cou mais fut stoppée net. Valens s'en étonna et essaya de la dégager. Le dantal hurlait et sa queue tournoyait dans les airs.
— Qu'est-ce que tu fous ? s'énerva Paul qui essayait d'éviter que les vampires ne viennent s'en prendre à Valens.
— Ma faux est coincée !
— Quoi ?
— Ma faux est coincée... il est trop gras...
Paul jura. C'était pas possible.
— Valens ! appela-t-il avant de lancer son épée à son compagnon.
De mauvaise grâce, ce dernier récupéra l'arme d'un mouvement habile, laissant sa faux plantée mollement dans le cou du souterrain qui continuait de crier. Il se baissa une nouvelle fois pour esquiver la queue puis enfonça la lame profondément dans le thorax du souterrain. Il l'enfonça jusqu'à la garde espérant que la lame soit assez longue pour atteindre le cœur. 
La queue tomba mollement au sol et le dantal arrêta de crier. Valens soupira de soulagement. Il se redressa et secoua la tête. Le souterrain ne ressemblait à rien. Ou alors à Jabba le Hutt avec une faux plantée dans le cou et une garde d'épée ressortant de sa poitrine. Il entendit des cris et des insultes et se retourna. Les vampires fuyaient, libérés de l'emprise du dantal. 
Randall les abreuvait d'insultes, suivi par Britney et ses autres compagnons. Cesare, Naples et Lucia le rejoignit avec Paul.
— Ces Américains, soupira Naples en secouant la tête.
Paul allait répondre mais un chuintement se fit entendre de la part du dental. Valens le regarda en fronçant les sourcils. Qu'est-ce qu'il se passait ?
— Planquez-vous ! hurla Naples en s'éloignant rapidement.
Mais il était déjà trop tard. Le corps du dantal explosa, les recouvrant tous d'un liquide jaunâtre nauséabond.
— Pourquoi je me suis approché ? gémit Naples en étendant les bras, comme pour constater les dégâts. Je le sais pourtant... j'aurais dû attendre...
— T'aurais surtout dû nous prévenir ! lâcha Lucia.
Elle jeta un regard noir à son compagnon. Elle pourrait jeter ses fringues, c'était obligatoire à présent. C'était son jean préféré. Cesare s'approcha d'elle et essuya son visage pour qu'elle y voit plus clair.
— Merci, fit-elle et il sourit. Mais toi..., ajouta-t-elle en pointant un index accusateur sur Naples.
— Comme si tu savais pas que le dantal, ça explose une fois mort ! railla son compagnon.
Elle ne trouva rien à redire, ce qui l'énerva encore plus. Elle se contenta de grogner.
— Allez, les enfants. On se calme, lâcha Paul en s'approchant d'eux.
Il était également couvert de cette substance jaunâtre mais paraissait s'en moquer éperdument. Il s'approcha de Randall comme s'il était propre comme un sou neuf et vêtu d'un super costume de coupe italienne. Lucia admira son aplomb.
— Randall, je veux que ton clan traque les vampires restants. Un nid d'une telle importance ne doit pas survivre, prévint-il d'une voix ferme.
L'Américain allait dire quelque chose puis hocha la tête. Mais comme il ne faisait pas mine de bouger, le Dux Reum crut devoir insister.
— Tout de suite, Randall ! Pas dans trois jours !
Le défendeur hésita puis donna l'ordre à ses compagnons de sortir de la caverne et de chasser les survivants. Une fois le clan américain sorti, Paul se tourna vers ses compagnons.
— Rentrons nous laver, décida-t-il avant de les téléporter dans le salon.
Dans un coin de sa tête, le Dux Reum garda qu'il devrait probablement retourner chez Randall vérifier qu'il avait bien exécuté ses ordres. Un nid d'une telle importance n'était pas le fruit du hasard et il voulait vérifier que le clan de Lebanon ne faisait pas de connerie. 
On frappa à la porte, ce qui le sortit de ses pensées.
— J'y vais, fit Valens en se dirigeant vers l'entrée.
— Valens, attends, fit Cesare.
Le Valentinois voulait signaler à son compagnon qu'ils n'étaient pas présentables et que derrière la porte, il y avait probablement un humain qui aurait des questions en les voyant tous couverts d'une telle substance. Mais il n'en eut pas le temps. Son compagnon avait déjà ouvert la porte et comme prévu, un homme se tenait derrière.
— Leo ? s'étonna Naples en le reconnaissant.  

Capitolo 6

Leo resta bouche bée devant le spectacle qui s'offrait à lui. Il savait que le professeur habitait avec des colocataires. Et quand il était arrivé devant l'immeuble, l'un des plus vieux de Rome, il s'était senti légèrement mal à l'aise. Il avait frappé, se demandant presque si un majordome allait lui ouvrir la porte. Certes, il n'était pas en Angleterre mais les majordomes étaient universels. 
Il avait hésité, s'était recoiffé et voilà qu'un adolescent couvert d'un liquide jaunâtre, habillé d'une cape noire et tenant une faux à la main venait lui ouvrir. Une odeur pestilentielle lui avait envahi la gorge et il s'était finalement rendu compte que tous les habitants de la maison étaient couverts de ce liquide. Il se sentait bête de s'être recoiffé. 
L'adolescent s'écarta pour répondre à une réprimande quelconque que Leo n'avait pas entendu et il vit trois hommes et une femme dans le même état déplorable que lui. Naples en faisait partie et il l'entendit articuler son prénom. 
La première chose qui lui vint à l'esprit fut qu'une canalisation d'égout venait de péter et les avait recouvert de cette substance. Et puis, se rappelant de la faux et voyant les armes arborées par les autres, la discussion qu'il avait eu avec Naples à la pâtisserie lui était revenue. 
Cela devait avoir un rapport avec les souterrains, ces monstres contre lesquels ils se battaient. Justement, Leo était venu pour ça. Tout n'était pas clair dans son esprit. Mais s'il s'attendait à tomber dans une situation aussi saugrenue...
— Je suis première à la douche, rien à foutre ! fit soudain Lucia le sortant de sa stupeur.
Cesare emboîta le pas de sa compagne et elle se retourna. Elle allait lui dire d'aller se faire voir mais elle perçut la lueur lubrique dans son regard.
— Oh, d'accord, accepta-t-elle en souriant et ils s'éclipsèrent à l'étage tous les deux.
Leo les regarda, étonné. Il n'arrivait pas encore à réaliser ce qu'il faisait là et ce qu'il avait devant les yeux.
— Bon, ben il reste le tuyau d'arrosage dans le jardin, fit Valens.
— Bonne idée, gloussa Paul. Ça me rappellera quand on n'avait pas l'eau courante.
L'adolescent sortit et le Dux Reum le suivit. Avant de sortir, il posa une main encourageante sur l'épaule de Naples qui hocha légèrement la tête. Leo vit tout cela mais ne parvint pas à en tirer une conclusion quelconque. Il regarda Naples qui demeurait seul dans le salon à présent et les questions qui l'avaient poussé à venir furent soudainement sans importance. Il n'eut plus envie d'approfondir le sujet des souterrains.
— Désolé, je repasserai, s'excusa-t-il donc en tournant les talons.
Naples ne comptait pas le laisser partir comme cela et le rattrapa avant qu'il ne se soit trop éloigné.
— Attendez, Leo !
L'assistant se stoppa et mit quelques secondes supplémentaires avant de se retourner. Le défendeur chercha ses mots. Il comprenait, à la tête de l'homme, qu'il avait encore beaucoup de questions. Cela ne l'étonna pas. Il fallait du temps avant d'encaisser l'existence du monde souterrain et la coexistence entre plusieurs autres races. Mais il ne voulait pas le laisser livré à lui-même.
— Entrez, je vous en prie, ajouta-t-il en libérant le passage.
— Je pense que je vous dérange alors...
— Pourquoi ? Parce que je suis couvert d'un truc gluant jaunâtre ? sourit Naples.
Leo écarquilla les yeux. Encore une blague ?
— Je croyais que c'était à moi de faire de l'humour.
— Vous n'avez pas l'air d'humeur à en faire... je peux bien vous remplacer. Mais rassurez-vous, ça va passer. Ce n'est pas mon style. Entrez, insista Naples avant de tourner les talons.
Il était certain que Leo finirait par franchir le seuil et il ne pouvait pas supporter le sang du dantal quelques minutes supplémentaires. Il se dirigea vers la cuisine puis entendit la porte d'entrée se refermer et des pas dans le salon. Sans se retourner, il eut un sourire puis fit couler de l'eau dans l'évier.
— Je fais une toilette rapide, signala-t-il avant de s'asperger le visage et les cheveux d'eau.
Il enleva le plus gros puis s'aida d'un torchon pour enlever le reste. Ses vêtements étaient constellés et il n'aurait pas d'autres choix que de les jeter. Il soupira. Il se retourna et vit que Leo s'était approché de lui. Il aurait pensé qu'il serait resté dans le salon mais non, il était entré dans la cuisine et se situait à moins d'un mètre de lui. Il trouva sa proximité gênante sans vraiment savoir pourquoi.
— Qu'est-ce que c'est ? demanda son assistant.
— Les restes d'un dantal qui a explosé. C'est un souterrain spécialiste de la manipulation mentale. Ils sont faciles à vaincre, enfin relativement mais ont la fâcheuse tendance d'exploser une fois mort.
Leo grimaça.
— Donc, ce sont des... entrailles ?
Naples fit la moue. Mais il ne pouvait pas le contredire.
— Entrailles, sang... il y a un peu de tout, confirma-t-il. (Il s'appuya contre le plan de travail pour mettre le maximum de distance entre son assistant et lui.) Désolé pour l'odeur.
Leo secoua la tête, comme si ce n'était pas grave.
— Donc... vous vous êtes battu ?
— Un dantal avait manipulé des vampires et s'était constitué un super nid. On a exterminé le dantal et les vampires, expliqua rapidement Naples.
— Je croyais que les souterrains n'attaquaient pas Rome ?
Naples acquiesça. À cause de l'aura céleste omniprésente, les attaques sur la ville étaient rares voire quasi inexistantes. Le clan de Rome étant celui du Dux Reum n'était cependant pas en reste et servait de réserve à tous les autres clans du monde quand ils avaient besoin d'un coup de main. Comme ce soir.
— Nous étions en Pennsylvanie. Nous aidions le clan de Lebanon.
— Oh... téléportation... ok, soupira Leo alors que le défendeur approuvait.
Il ne dit plus rien et laissa son regard vagabonder dans la pièce. Il remarqua immédiatement le bazar, les plats entamés mais non jetés, les tas de fringues, sales ou non, les cartons de pizza et autres objets insolites.
— Vous n'avez pas une formule pour tout ranger ? fit-il avant de s'en rendre compte.
— Si, ça existe. Mais Paul n'est pas un fan du rangement et une fois qu'on s'est habitué... je ne sais pas. Je suppose qu'on ne s'en rend plus compte.
— Mais votre bureau est bien rangé lui, fit remarquer Leo. Je n'aurais jamais pensé que vous viviez...
Il hésita sur un mot poli pour dire bordel mais n'en trouva pas.
— Je n'ai jamais fait vraiment attention mais c'est vrai que je ne supporterai pas que mon bureau soit mal rangé... J'aime les contradictions sans doute, lâcha Naples. Pourquoi êtes-vous ici, Leo ?
Ce n'était pas qu'il détestait cette conversation mais elle commençait à être un peu trop personnelle à son goût et il voulait se recentrer rapidement sur le vif du sujet. Leo se tourna vers lui et le fixa d'un œil perdu. Il avait de magnifiques yeux bleus et Naples s'étonna de les avoir remarqués. Il n'avait jamais fait attention au physique des personnes avec qui il parlait auparavant.
— Je n'arrête pas de penser à ce que vous m'avez dit. Les souterrains, les célestes, les défendeurs... les guerres que vous menez.. c'est tellement incroyable. J'aimerais me dire que c'est faux mais après cet après-midi... je ne peux pas nier. Et j'ai tellement de questions...
— Leo, je vous ai déjà dit qu'il n'est pas conseillé que vous posiez toutes vos questions, rappela Naples. Assimilez ce que vous savez déjà, acceptez-le et quand ce sera fait, nous en reparlerons. Le monde souterrain ne se découvre que petit à petit. Tout savoir d'un coup est inutile. Votre esprit perdrait son équilibre.
— Je sais... mais je ne peux pas rester sans rien savoir, je... c'est comme quand vous débutez une recherche, vous lisez tout ce qui vous tombe sous la main. Parfois vous êtes déçus, parfois vous relisez la même chose mais quand vous apprenez un truc, c'est... magique.
Naples sourit. Oui, il connaissait ce sentiment. Il comprenait ce que voulait dire son assistant. C'était un chercheur. Il lui était difficile de se contenter d'effleurer une notion, il avait besoin de l'approfondir.
— Je vois, Leo. Mais ce n'est pas raisonnable. Alors voilà ce que je vais vous proposer. Tous les jours, nous irons prendre un café et vous aurez le droit de me poser une seule question sur le monde souterrain. Une seule. J'y répondrai comme je le souhaiterai. Nous ferons ça jusqu'à votre départ.
— Et quand je serais en Colombie ? voulut savoir Leo.
— Vous serez bien trop occupé pour songer encore aux souterrains, sourit Naples. Croyez-moi.
— Admettons. Et quand je reviens ?
— Si vous le souhaitez, nous continuerons.
Leo ne dit rien pendant un moment, réfléchissant à la proposition.
— C'est honnête, finit-il par déclarer.
— Bien. Dans ce cas...
— Mais j'aimerais discuter de quelque chose avant que vous me fichiez à la porte.
— Il faudra attendre demain pour le café, Leo.
— Non, ce n'est pas... en fait c'était pour ça que j'étais venu.
Naples plissa les yeux. L'homme en face de lui était visiblement inquiet. Quelque chose le turlupinait. Le défendeur ne voulait pas donner trop d'informations d'un coup à son assistant mais il ne voulait pas non plus le laisser complètement à la merci de son imagination. D'autant, qu'il lui fallait toujours aborder le délicat sujet de ce qu'il était potentiellement.
— Que se passe-t-il ? demanda donc Naples.
— J'ai... je sais pas... je connais pas tout ça. C'était la première fois que je voyais des monstres mais j'ai eu... quand vous vous battiez, j'ai eu une sensation étrange, comme si... c'était normal. Et l'artéfact dans votre bureau, la soucoupe chibcha qui m'a fait saigner des doigts... c'était souterrain, hein ?
Naples attendit quelques instants avant de répondre. Son assistant était bien plus perspicace qu'il ne le pensait.
— Oui, effectivement.
— Alors... Je veux dire, hésita Leo en passant une main dans ses cheveux. Je suis humain, hein ? Y a pas un truc qui cloche... c'était normal, non ?
Le défendeur le regarda. Il n'aimait pas mentir. D'autant que Leo lui tendait la perche qu'il attendait. Mais il savait que cela pouvait être difficile à admettre pour lui. Il comprit soudain pourquoi toute cette histoire le tracassait autant et pourquoi il était venu déranger son supérieur hiérarchique à son domicile à une heure aussi tardive. Il s'inquiétait vraiment. Il avait senti que quelque chose clochait et il savait qu'il touchait quelque chose du doigt. Même s'il préférait se tromper. Malheureusement, Naples devait le confirmer.
— Non, Leo. Ce n'était pas normal. Il y a de fortes chances pour que vous soyez un peu différent des humains de base, fit Naples, décidé à arracher le pansement rapidement.  

Capitolo 7

Paul savoura l'amertume de la rhubarbe sur sa langue. Artie était décidément un fabuleux pâtissier. Cela le peinait donc encore plus de devoir lui dire ce qu'il avait à dire.
— Est-ce que ça a été ? demanda Julia en s'approchant de lui.
Le Dux Reum lui sourit.
— Oui, c'était parfait. Rhubarbe et figue se combinent merveilleusement, vous pourrez lui dire merci. Mais ce n'était pas la peine de me faire un gâteau. Je voulais simplement discuter.
Le visage de Julia s'assombrit alors qu'elle ramassait l'assiette.
— Oui, je sais. Mais il s'est dit que si vous aviez pris plaisir à manger une de ses pâtisseries, vous seriez moins en colère.
Paul soupira.
— Je ne suis pas en colère, Julia. Je cherche à comprendre. Rome devait vous assurer la protection. Si ce n'est plus le cas, peut-être que vous devriez partir ou bien envisager autre chose.
— Nous ne pouvons pas faire ça ! fit la rierack en secouant fermement la tête.
 Un léger début de panique s'insinuait en elle et son déguisement humain commença à vaciller.
— Julia, faites attention, calmez-vous, prévint Paul.
Elle prit conscience de ce qu'il se passait et posa sa main de libre sur son collier en s'efforçant de respirer doucement.
— Je sais que c'est difficile pour vous. Ces dernières années, nous avons tous cru que tout ceci était derrière vous mais je dois en savoir plus.
— Je n'avais jamais vu ce ders auparavant. Peut-être qu'il voulait juste tuer deux rieracks, par plaisir.
Le Dux Reum n'eut pas le cœur de lui montrer toutes les failles de cette hypothèse. Certes, les ders étaient parfois sujet à l'impulsivité et à la violence mais c'était rarement pour cela qu'ils pénétraient dans une pâtisserie en plein milieu d'une cité céleste. Le risque était trop grand pour un simple amusement.
— J'aimerais discuter avec Artie, insista-t-il donc.
D'instinct, il sentait que Julia n'était pas au courant de tout. Si les rieracks savaient réellement ce que voulait ce ders, c'était Artie qu'il fallait interroger. La serveuse opina puis descendit. Quelques minutes plus tard, Artie empruntait les escaliers et rejoignait le défendeur. Il s'essuyait les mains dans son tablier. 
Une odeur de levain et de pâte à pain se distillait dans son sillage.
— Julia dit que vous avez apprécié le gâteau, ce n'est rien vous savez, je...
— Artie, ne commencez pas, fit Paul, sévère.
Le pâtissier regarda le Dux Reum puis passa sa main dans ses cheveux.
— Ok, comme vous voulez.
Il prit une chaise, apparemment dépité et fixa obstinément la table devant lui.
— Artie, je ne suis pas ici pour vous réprimander. Ou pour vous chasser de Rome. Je suis ici pour comprendre pourquoi un ders viendrait vous pourchasser.
Le rierack haussa les épaules. Cette fois, la colère afflua en Paul. Il avait suffisamment perdu de temps comme cela.
— Ne faites pas l'innocent. Je sais que vous avez des informations. Que vous n'en fassiez pas part à Julia, cela vous regarde. Mais je suis le défendeur responsable de Rome et le Dux Reum, je ne supporterai pas d'être mis à l'écart ! prévint-il d'une voix sévère.
Le souterrain ne répondit toujours pas.
— Ne m'obligez pas à avoir recours à la télépathie, Artie ! Vous savez que je peux vous arracher les informations que je souhaite. Et je peux le faire d'une manière douce ou bien de force.
Une lueur d'inquiétude parut dans le regard du rierack. Paul enfonça le clou.
— Expliquez-moi, cela vaut mieux pour nous deux.
Le pâtissier hésita de nouveau puis prit la tête entre ses mains.
— J'ai fait une erreur, gémit-il. Une terrible erreur et Julia... elle ne sait pas...
— D'accord, d'accord, fit Paul d'une voix douce. Racontez-moi.
Le souterrain prit quelques instants pour mettre ses idées au clair.
— Quand nous avons décidé de partir, Julia et moi, nous avions convenu de nous retrouver sur la place centrale de Subterraneis puis d'emprunter la crypte pour venir sur Terre. Julia était persuadée que notre départ passerait inaperçu. Nos maîtres n'aimaient pas que nous nous fréquentions mais si nous partions, ils nous remplaceraient et finiraient par nous oublier.
Paul hocha la tête. C'était le plus probable. Bien que les rieracks soient d'excellents serviteurs, Subterraneis n'en manquait pas. Et quelqu'avaient pu être les compétences d'Artie et de Julia, ils étaient facilement remplaçables. Le Dux Reum ne voyait pas deux scientifiques souterrains perdre des ressources importantes pour pourchasser deux serviteurs en fuite. Même s'ils en avaient formulé clairement la menace.
— Mais je... je n'y croyais pas. J'étais persuadé que mon maître me pourchasserait et qu'il ne nous laisserait jamais tranquilles, même si nous étions dans une cité céleste. Il a des moyens incommensurables. Alors j'ai... j'ai engagé un mercenaire.
Paul s'inquiéta. Ce n'était pas bon signe.
— Je l'avais prié de nous escorter jusqu'à la crypte pour assurer notre départ et de tuer tous ceux que mon maître lancerait à nos trousses. C'était un baké du nom de Sabratha.
— Un baké ? Ils sont extrêmement chers.
Le Dux Reum se demandait comment le rierack avait pu s'offrir un tel luxe.
— Je sais... je n'avais pas les moyens alors je lui ai promis de lui révéler des secrets scientifiques qu'il pourrait ensuite monnayer.
Paul commença à comprendre. Il avait toujours cru qu'Artie était un peu paranoïaque. Le pâtissier avait toujours eu peur que son maître ne le retrouve mais le défendeur n'y avait jamais cru. À présent, s'il y avait eu vol d'informations, son maître avait une plus grande raison de l'avoir poursuivie et Artie une plus grande justification à son angoisse.
— Ton maître s'en est aperçu, je parie, comprit Paul.
— Disons que je n'avais pas fait attention à couvrir mes traces alors...
Paul secoua la tête de désapprobation. Le rierack avait manqué de prudence mais il avait pensé agir au mieux. Engager un baké pour couvrir ses arrières étaient une excellente idée. C'étaient des souterrains puissants qui pouvaient aisément battre n'importe qui. Mais le payer avec des secrets dérobés...
— Donc ton maître te cherche pour se venger, non pas de ta fuite mais du vol de ses données, conclut Paul en croisant les bras sur sa poitrine.
— Il connait beaucoup de ders, il a facilement pu en envoyer un ici une fois qu'ils ont découvert où je me trouvais.
— Pourquoi Sabratha n'intervint pas ?
— Julia l'a renvoyée il y a quelques jours. Elle ne savait pas... mais... il vient tous les ans voir si je poursuis le contrat ou pas. D'habitude, je le reçois et je le paye. Avec de la monnaie humaine maintenant. Il est d'accord pour ça...
Paul ne s'en étonna pas. Sabratha trouvera toujours le moyen de changer sa monnaie humaine contre les mandranos, la monnaie de Subterraneis.
— J'ai essayé de le contacter depuis pour qu'il revienne mais il ne répond pas.
— Les baké n'aiment pas être éconduits, rappela le Dux Reum.
— Julia ne savait pas ce qu'elle faisait... et maintenant, le ders est venu et il y en aura d'autres et...
— Artie, calmez-vous, fit Paul. Nous allons trouver une solution.
Il avait dit cela sur un ton assuré mais il n'aimait pas cette histoire. Certes, il s'était pris d'affection pour Artie et Julia qui formaient un gentil couple. Il aimait venir dans leur pâtisserie déguster des gâteaux surprises. Mais il répugnait à mettre des défendeurs au service de souterrains. 
Certes, Naples les avait défendus. Mais parce que l'agression avait eu lieu pendant qu'il était là et qu'elle aurait pu dégénérer. Aucun humain ne fréquentait la pâtisserie ce jour-là mais cela aurait pu être possible. Le ders n'y aurait pas prêté attention et aurait eu un bonus pour son action. 
Il n'avait donc pas le choix et cela l'ennuyait. Il aurait préféré que les souterrains règlent leurs histoires entre eux. 
Il en était là de ses réflexions lorsque Julia poussa un cri strident, suivi d'un autre, clairement humain. Voilà, c'est ce que je craignais, fit Paul en bondissant de sa chaise et en descendant l'escalier. 
Il arriva au rez-de-chaussée pour voir Julia se débattre, étranglée par les tentacules d'un ders. Un humain regardait ça avec des yeux écarquillés, plaqué contre le mur. Paul l'ignora et se concentra sur le souterrain.
— Et face de poulpe, interpella-t-il en dégainant son épée, lâche-là.
Le ders se tourna vers le Dux Reum mais ne lâcha pas sa proie. Il hurla dans sa direction et Paul n'eut pas d'autres choix que de bondir sur le côté lorsque des tentacules le frôlèrent. Il fit un roulé-boulé mais se réceptionna rapidement et allongea le bras pour trancher les tentacules qui tenaient Julia. 
Elle tomba sur le sol, évanouie et il entendit Artie crier son nom avant de le voir s'agenouiller au chevet de sa femme. Il ne s'en occupa pas cependant et se tourna immédiatement vers le ders. Il contra plusieurs attaques avec agilité, tranchant les tentacules quand il le pouvait. 
Puis il sauta sur le comptoir avant de bondir au-dessus du souterrain. Dans le même mouvement, il enfonça sa lame dans le crâne du souterrain et l'ouvrit en deux avant de se réceptionner derrière le ders. Son adversaire tomba dans un chuintement et le défendeur secoua son épée pour la débarrasser du sang qui la souillait. 
Il la rengaina avant de s'approcher de l'humain.
— Pitié, ne me faites pas de mal, pitié, pitié..., supplia ce dernier, en larmes.
— Chut, chut, vous n'avez rien à craindre. Calmez-vous, fit Paul d'une voix douce avant d'attirer l'homme contre lui et de le bercer. Chut, ça va aller. (L'homme résista quelques instants puis se laisser aller à l'étreinte du défendeur.) Voilà, c'est bien. Vous n'avez rien vu de choquant, tout va bien. Vous êtes allé à la pâtisserie mais elle était fermée. Ça ira. Chut.
Tout en disant cela, il s'insinua dans les pensées de l'humain et réagença les souvenirs comme cela lui convenait. Puis il desserra son étreinte et releva l'homme. Il était encore hagard, sous l'effet du sort et Paul le poussa tranquillement vers la porte. Une fois l'humain dehors, il retourna auprès des rieracks. Artie était anéanti mais Paul posa sa main sur la gorge de Julia et vit qu'elle respirait encore.
— Elle va s'en sortir, assura-t-il avant de la prendre dans ses bras. Mais vous devez fermer la pâtisserie.
— Je sais... comment je vais lui expliquer ça ? gémit Artie.
Paul ne répondit pas. C'était à lui de trouver la réponse.
— Suivez-moi, ordonna-t-il simplement avant de sortir de la boutique. Le rierack obéit puis le défendeur lui donna Julia.
Il sortit ensuite une craie bleue de sa poche et traça des signes sur la porte en bois rouge.
— Locus munitus. Recensiones reis, prononça-t-il ensuite.
La porte irradia d'un éclat bleuté qui disparut. Paul s'écarta alors et, reprenant Julia dans ses bras, fit signe à Artie de le suivre. 
Paolo, qui était venu chercher une mousse à la framboise pour sa femme enceinte, trouva porte close et râla.  

Capitolo 8

— Un peu différent des humains, répéta Leo, incrédule.
Il avait tourné cette formulation dans cette tête tout le temps que Naples avait passé sous la douche. Après leur conversation, l'odeur que dégageait le défendeur avait eu raison de lui. Par égard, il était allé se doucher. Mais cela obligeait Leo à attendre son retour. 
Dans le canapé du salon des défendeurs, il essayait déjà de deviner ce que tout cela pouvait signifier. 
Il refit la liste de ce qu'il savait et ce qu'il avait appris. 
Les humains n'étaient pas les seuls êtres à habiter sur Terre. 
Les souterrains étaient les démons ou leurs descendants ; les célestes étaient les anges ou leurs descendants. 
Les défendeurs étaient soit l'un soit l'autre et protégeaient la Terre et les humains contre les « mauvais » souterrains. 
Naples était un défendeur. 
Il y avait une pâtisserie à Rome tenue par des souterrains.
Rome était une ville céleste. À cause de leurs pratiques religieuses, les humains avaient attiré l'attention des êtres angéliques qui protégeaient la cité, tout comme la plupart des autres villes religieuses : Jérusalem, la Mecque, Lumbini ou encore Nagoya. Cela conféraient à ces centres religieux une protection supplémentaire et une aura céleste qui rebutaient les souterrains. Normalement, ils n'attaquaient jamais. 
Naples était un défendeur. 
Leo prit la tête entre ses mains. 
Tous les contes et légendes étaient plus ou moins vrais, à divers degrés. 
L'artéfact colombien sur lequel ils avaient travaillé quelques semaines plus tôt étaient en fait souterrain. 
Naples était un défendeur. 
Et il n'était pas humain. 
Leo se rejeta sur le dossier du canapé. 
C'était un cauchemar. 
Venir ici n'était peut-être pas une bonne idée.
— Je suis revenu, fit Naples en descendant les escaliers.
Il avait encore les cheveux mouillés et Leo se leva, subjugué. Était-ce le fait qu'il soit défendeur ainsi que le professeur le plus calé en civilisation pré-colombienne qui le rendait aussi sexy ?
— Vous voulez boire quelque chose ? proposa le défendeur en se dirigeant vers la cuisine.
Leo ne répondit pas tout de suite et admira les fesses de Naples moulées dans un jean. Il ne l'avait jamais vu en jean. D'habitude, il portait des costumes. Il essaya de se concentrer. C'était bien lui de se perdre dans la contemplation alors qu'il aurait dû se focaliser sur autre chose. Il avait toujours eu la fâcheuse tendance de fuir la confrontation.
— Si ce n'est pas souterrain et pas dangereux pour les humains... enfin remarquez, si je n'en suis pas un, gloussa-t-il.
Ou alors il faisait de l'humour. Il se trouva nul mais il ne pouvait pas s'en empêcher. Naples se retourna et l'observa.
— Je sais que ça chamboule beaucoup de choses, fit-il en cherchant deux verres propres.
Il n'y en avait évidemment pas alors il en prit deux au hasard et les lava rapidement dans l'évier avant de les sécher et de prendre une bouteille de chianti.
— Je n'étais pas certain que vous soyez restés, avoua-t-il en s'approchant de Leo.
Il poussa les cartons de pizza qui encombraient la table basse et posa les deux verres qu'il remplit avant d'en tendre un à Leo. Il lui fit signe de s'asseoir et s'installa dans le canapé, ne prêtant pas attention aux vêtements qu'il écrasait.
— Pour être honnête, je suis étonné d'être resté, répondit Leo après avoir bu une gorgée.
L'alcool lui piqua agréablement la langue et lui donna un coup de fouet.
— Je comprends, assura Naples. Je ne voulais pas que cela se passe ainsi. J'aurais aimé abordé le sujet autrement... La pâtisserie était censé être une bonne idée.
— Vous m'avez amené dans une pâtisserie pour me parler du monde souterrain ? s'étonna Leo.
Le défendeur soupira intérieurement. Formuler ainsi, ce n'était vraiment pas un bon plan.
— Je voulais simplement trouver un endroit tranquille où nous pourrions parler. Un endroit où vous pourriez être à l'aise. J'avais pensé que le bureau étant un lieu professionnel, vous n'y seriez probablement pas suffisamment à l'aise pour répondre aux questions personnelles que j'avais à vous poser.
Leo eut un rire moqueur.
— Une pâtisserie tenue par des souterrains s'imposait, c'est vrai. Je vous le concède, railla-t-il.
Naples passa sur la moquerie. Il ne pouvait pas lui en vouloir.
— J'admets que j'ai commis une erreur. L'université aurait été plus sûre.
L'assistant ne dit rien mais reprit une gorgée de vin. Lui qui s'était fait un film à propos de la pâtisserie, y voyant le signe d'un intérêt personnel de la part de son supérieur. Il y avait cru. Il se sentait con.
— Donc, vous vouliez me dire que j'étais pas humain, reprit-il afin de boire la coupe jusqu'à la lie.
— Vous êtes humain, réfuta Naples.
— Vous avez dit que j'étais un peu différent des humains de base, se moqua Leo. Vous vouliez me flatter ?
Pour toute réponse, il eut droit à un regard pénétrant de la part du défendeur. Il essaya de calmer son cœur.
— Vous êtes différents parce que vous réagissez violemment à ce qui est souterrain. La soucoupe chibcha, le ders, les rieracks et même l'odeur d'un dantal. Les humains ne réagissent pas autant à ces diverses choses.
Leo masqua sa surprise et reprit une gorgée de vin.
— Alors je suis quoi ?
— Je ne sais pas, avoua Naples.
Cela le tracassait mais il n'avait aucune réponse à apporter à Leo.
— Vous n'êtes pas souterrain, je ne connais aucune race qui aurait ce genre d'aversion pour sa propre espèce. À part les célestes. Mais je ne perçois pas cela en vous. Vous n'avez pas de lien de parenté avec un ange... ou alors très très lointain. Vos parents sont..., commença Naples mais Leo l'interrompit :
— J'ai été adopté.
Le défendeur haussa les sourcils, surpris puis grimaça.
— Alors, cela ne va pas nous simplifier la tâche. Vous connaissez vos parents biologiques ?
— Non. Je ne m'y suis jamais intéressé. S'ils m'ont abandonné, ils devaient avoir leur raison. Je ne me vois pas débarquer dans leur vie maintenant. Ça n'aurait aucun sens. Et puis, mon père et ma mère me suffisent. Je n'ai pas envie de savoir d'où je viens.
Naples ne répondit rien. Mais c'était la première fois qu'il voyait Leo aussi sérieux.
— Dans ce cas, je ne vois pas comment je pourrais faire, avoua-t-il après quelques temps. Nous pourrions bien sûr tester votre sang pour voir.
— En quoi ça consisterait ?
— Juste un petit prélèvement et quelques sorts. C'est indolore pour vous et ça nous permettra de vous classer. Vous n'avez pas de signe distinctifs ? Taches de naissance, tatouages ou autres ?
— Si vous voulez que je me déshabille, il suffit de demander, sourit Leo.
Naples s'empêcha de lever les yeux au ciel. Le moment était probablement difficile pour son assistant et il finissait par le connaître assez pour savoir que l'humour était un mécanisme de défense contre la nervosité. Plus il faisait de blagues, plus il était inquiet.
— Que vous me répondiez suffira, assura-t-il.
Leo cacha sa déception. Le professeur était décidément imperméable à toute tentative de séduction.
— Non, rien. À part un tatouage disant vive le Tibet libre sur la fesse droite.
Naples essaya de savoir si c'était de l'humour ou non. Il n'arriva pas à le déterminer.
— Alors, le test sanguin pourrait nous donner d'autre piste, continua-t-il.
Leo grimaça et reprit une gorgée.
— Je déteste les piqûres. On peut faire ça vite ?
Naples masqua sa surprise. Il pensait que Leo serait plus farouche à l'idée qu'on trifouille dans son ADN. Il décida qu'il fallait battre le fer tant qu'il était chaud.
— Venez avec moi, invita-t-il en se levant.
Leo hésita puis, terminant son verre d'une traite, emboîta le pas du défendeur. Ils descendirent au rez-de-chaussée et il écarquilla les yeux devant la pièce remplie à ras bord d'objets mystérieux. Il identifia rapidement les livres mais ils semblaient être si vieux qu'il se demanda dans quel musée les défendeurs les avaient pris. Les armes semblaient également venir de toutes les époques même si la plupart était remarquablement conservée. Il se fit la réflexion qu'avec une utilisation quotidienne, c'était normal. Mais les conservateurs des musées militaires du monde entier aurait tué pour pénétrer dans cette pièce. De là d'où il était, il pouvait voir plusieurs vieilles épées, dagues, poignards, fusils qui auraient mérité une expertise. Certaines étaient même frappées des armoiries des Borgia ce qui l'intrigua farouchement. 
À côté de ses objets « connus », il y en avait d'autres qu'il rattacha irrémédiablement à la magie. Des objets tarabiscotés, plats, brillants, gravés de symboles dont il ne reconnaissait pas l'alphabet... tout ceci dans un capharnaüm sans nom. Il se demandait comment les défendeurs faisaient pour s'y retrouver entre les livres ouverts et empilés les uns sur les autres, les armes dessus ou dessous, les objets dispersés partout... il y avait même des croquis et des feuilles de papier griffonnées et raturées partout sur le sol.
— Vous n'aimez vraiment pas le rangement, se moqua-t-il.
Naples le regarda et haussa les épaules, un léger sourire sur les lèvres. Leo nota que contrairement à ce dont il avait peur, il n'hésitait pas. Il se dirigea d'un pas décidé vers une bibliothèque et en prit un petit objet semblable à un dé à coudre, plus long. Il le ramena et Leo s'aperçut qu'il était fait en métal gravé de plusieurs symboles dont il ne parvenait à lire que les trois lignes les plus proches du bout. C'était du latin et elles signifiaient « humain » « humain maudit» « humain béni». Il y avait trois autres lignes qui lui étaient indéchiffrables.
— Qu'est-ce que c'est ?
— Un cognitum, expliqua Naples. Cela permet de savoir rapidement à quelle catégorie un être appartient. En cas de doute. C'est Paul qui l'a inventé. C'est notre chef.
Leo n'en avait rien à faire de qui était l'inventeur de ce truc. Mais il ne dit rien. L'inquiétude monta en lui. Il soupira. Autant retirer le pansement rapidement.
— Comment ça marche ?
— Il suffit de le passer à l'index gauche, fit Naples, joignant le geste à la parole.
Leo sentit la froidure du métal puis une légère piqûre. Il grimaça mais la douleur s'estompa rapidement. L'objet s'était mis à luire, les différents niveaux clignotant par alternance. Et puis, il chauffa et la lumière s'arrêta. Leo regarda Naples, attendant la réponse.
— C'est curieux, ça ne fait pas ça d'habitude, nota le défendeur.
À cet instant, Leo aurait pu l'étrangler.
— Qu'est-ce que ça dit ?
Naples hésita. En fait, ça n'éclaircissait rien. Et pire que tout, il allait devoir expliquer encore une chose supplémentaire à son assistant.
— Normalement, le cognitum choisit entre les six. Mais il a fallu que vous vous distinguiez. Vous êtes un humain béni et un leïs.
Le défendeur n'en revenait pas. Ça ne pouvait pas être simple ?  

Capitolo 9

Paul allongea Julia sur le canapé du salon et pria Artie de l'attendre. Le rierack hocha mollement la tête et le Dux Reum descendit au sous-sol. Il y retrouva Naples et Leo. Il remarqua aussitôt que Leo n'avait pas l'air en forme. Naples lui fit un signe de tête peu rassurant.
Que se passe-t-il ? demanda-t-il.
Il employa la télépathie pour ne pas déranger l'humain, visiblement suffisamment dérangé comme cela.
Le cognitum a dit qu'il était mi humain béni mi Leïs. Je ne savais pas que c'était possible.
Paul tiqua. Ce n'était pas tant étonnant — il en avait trop vu en mille ans pour s'étonner d'une particularité génétique — qu'imprévu. Comment Leo pouvait-il être tout cela ?
Bien sûr que c'est possible. Au fil des générations, les races se mélangent. En général, une finit toujours pas l'emporter. Généralement, c'est la partie Leïs mais pas dans le cas de Leo. Il a donc un ancêtre leïs ainsi qu'un ancêtre ange dans sa généalogie. Sans doute très éloigné puisqu'il n'a aucune caractéristique leïs. Quand à la caractéristique céleste... son aversion pour le souterrain est la seule je suppose. Ses parents ont des particularités ? 
— Il a été adopté.
Paul grimaça. Alors ce serait difficile d'établir clairement un profil génétique avec purement des données historiques.
Dans ce cas, il faudrait faire une analyse complète. On devrait pouvoir évaluer le degré de céleste et de leïs et essayait d'extrapoler la présence ou non de pouvoirs surnaturels.
On ne le fait jamais d'habitude, souligna Naples.
Non, c'est vrai. En général, parce qu'on en a pas besoin. C'est rare que quelqu'un ne sache absolument pas, et soit dans l'incapacité de comprendre, les origines de sa famille. Et quand ça arrive, le concerné s'aperçoit qu'il est différent parce qu'il manifeste des pouvoirs qui permettent de le classifier. Ou alors le cognitum nous signale clairement ce qu'il est. Et puis, le processus prend du temps et de l'énergie. Mais s'il le veut, je pourrais m'en charger.
Naples y réfléchit. Il faudrait qu'il en discute avec Leo. Pour l'instant, l'humain essayait de comprendre. Il venait de lui expliquer ce qu'étaient les Leïs et il était en train d'assimiler tout ça.
En attendant, tu devrais lui poser des questions. Est-ce qu'il a déjà ressenti des choses particulières, est-ce que des phénomènes inexpliqués se sont déjà produits en sa présence... la routine quoi. Peut-être que nous pourrons voir s'il a des pouvoirs ou non.
Son compagnon hocha la tête. Il aurait dû le faire depuis le début. D'ailleurs, c'était ce qui était prévu. Comment tout cela avait-il pu tourner de cette manière ? Il n'en revenait pas. Et ce n'était pas lui qui était le plus à plaindre. Et puis, Naples s'aperçut que Paul cherchait quelque chose.
— Qu'est-ce que tu cherches ? demanda-t-il, sachant que parler à voix haute, d'autre chose cette fois, pourrait peut-être permettre à Leo de reprendre pied dans la réalité.
Paul sembla le comprendre parce qu'il répondit sur le même mode.
— De la racine d'arnica, j'en avais mis par là, pourtant..., ajouta-t-il davantage pour lui.
Il regarda dans les niches en bois puis sur son bureau. Il ne le trouvait nulle part. Mais il n'était pas fou, il en possédait bel et bien. Naples regarda autour de lui et se mit aussi à fouiller, tout en gardant un œil sur Leo. Ils soulevèrent les livres, les papiers, regardèrent sous les meubles mais ne trouvèrent rien.
— C'est pas ça ? s'enquit Leo en brandissant un flacon de verre dépoli qui contenait des fleurs jaunes séchées.
— Génial, fit Paul en allant récupérer le flacon. Vous l'avez trouvé où ?
— Y avait un truc qui me gênait derrière les coussins. J'ai regardé et c'était ça. Enfin, plus ça, ajouta Leo en montrant une arbalète et deux dagues. Faut vraiment que vous trouviez une femme de ménage.
— Elle ne pourrait pas tenir trois jours, sourit Paul. Merci pour ça.
Leo haussa les épaules et le Dux Reum repartit. Naples se rendit compte qu'il ne lui avait pas dit pourquoi il avait besoin d'arnica mais il préféra se concentrer sur Leo.
— Désolé pour le bazar, lâcha-t-il en s'asseyant sur la table basse devant son assistant.
— Il paraît qu'on finit par s'y habituer, rétorqua Leo, prenant le défendeur à son propre jeu. Bientôt, je ne pourrais plus vivre sans un épais tapis de fringues et de papier sur le sol.
— L'avantage, c'est qu'il n'y a plus besoin de faire le ménage, assura Naples, amusé.
Leo haussa les épaules mais ne rajouta rien. Le défendeur comprit que le moment de plaisanterie était passé. Il déglutit péniblement, gêné par ce qu'il devait faire. Et puis, il se morigéna. S'il avait directement posé ses questions, Leo n'aurait pas eu à vivre tout ça. Mais il n'avait jamais été doué pour les relations humaines. Il avait toujours peur et ne savait pas s'y prendre. Dix ans à servir de jouet sexuel à des inconnus suivis de quatre siècles passés à se méfier de tout, cela n'aidait pas. 
Il décida d'y aller franchement. 
— Leo, est-ce que vous vous souvenez d'évènements particuliers, dans votre enfance ou votre adolescence ou même après. Vous m'avez parlé de sensations particulières mais rien d'autres ? Des choses inexplicables ?
L'assistant soupira et secoua la tête.
— Je ne sais pas... je ne.. je n'ai pas envie d'y penser.
Il se leva et regarda Naples.
— Vous avez dit que j'aurais droit à une question par jour avec un café. Je crois que je vais m'en contenter. Je vous demanderai de faire pareil.
Le défendeur se leva à son tour et hocha la tête. Le marché était honnête et après tout, c'était à Leo de choisir. C'était lui qui devait découvrir qui il était. Naples n'était là que pour l'aider dans sa démarche. Mais il ne le forcerait pas. Et après cette journée et cette nuit, il comprenait que l'humain ait besoin de temps et surtout d'une pause.
— Est-ce que je peux sortir d'ici sans danger ? Rentrer chez moi sans croiser de souterrains ?
— Les rues de Rome sont sûres, assura Naples. Mais si vous préférez, je peux vous raccompagner.
Habituellement, une telle proposition aurait chanté aux oreilles de Leo mais pas cette fois. Il avait trop vu le défendeur aujourd'hui.
— Merci, ça ira, refusa-t-il avant de remonter.
Naples lui emboîta le pas. Il se sentait coupable de laisser Leo repartir ainsi mais il ne pouvait pas faire autrement. Certes, il aurait pu lui proposer de dormir à l'hôtel avec eux mais il pouvait aisément deviner la réponse qu'il lui ferait. 
Quand ils arrivèrent dans le salon, Leo s'arrêta brusquement et Naples mit quelques secondes à comprendre pourquoi. En voyant Artie, sous forme souterraine aux côtés de Paul, il comprit que c'était la goutte d'eau qui ferait déborder le vase de Leo. Son assistant lui jeta un regard en biais puis sortit sans ajouter un mot. 
Naples hésita à le rattraper mais se décida à le laisser tranquille. C'était le meilleur moyen. Demain, ils se reverraient à l'université et peut-être qu'ils pourraient parler. Ou alors Leo serait parti loin de tout cela. C'était aussi une possibilité mais Naples ne l'en pensait pas capable. Il était allé trop loin à présent pour renoncer. S'il était vraiment historien et donc curieux comme un scientifique, il reviendrait. Probablement avec plus de questions. 
Naples se surprit à l'espérer. 
Un gémissement le sortit de ses réflexions et il s'approcha du canapé. Il vit Julia allongée, blessée au cou et Paul qui appliquait une décoction. Il comprit pourquoi son chef avait eu besoin d'arnica. Elle avait des contusions mais respirait, certes difficilement mais c'était encourageant.
— Que s'est-il passé ? demanda-t-il même s'il connaissait la réponse.
— Une autre attaque, répondit Paul. Un ders de nouveau. Je l'ai tué mais il a eu le temps d'étrangler Julia. Je la maintiens en sommeil le temps que les soins agissent. Elle s'en sortira.
— Pourquoi des ders s'en prennent-ils à vous ? demanda Naples en se tournant vers Artie.
Mais le rierack tremblait et gémissait. Le défendeur comprit qu'il n'était pas en état de parler et ce fut le Dux Reum qui répondit à sa question.
— Apparemment, Artie avait engagé un baké pour les protéger sans en informer Julia. Le baké est venu demander son paiement mais Julia l'a rembarré. Du coup, les ders ont attaqué.
— Sur ordre de qui ? s'enquit Naples.
— Le maître d'Artie. Pour payer le baké la première fois, il a utilisé des secrets scientifiques dérobés à son maître.
Naples ferma les yeux. Paul n'avait pas besoin d'en dire plus. Les rieracks étaient dans une mauvaise posture. Et il ne voyait pas comment les aider. Il supposait que le Dux Reum avait un plan. En attendant, les protections de l'hôtel suffiraient probablement à maintenir les ders à l'écart. Mais c'était temporaire.
— Qu'est-ce qu'on fait du coup ? osa demander Naples.
Il connaissait la répugnance de Paul à se mêler des affaires entre souterrains. Mais Artie et Julia, sans être des amis, étaient néanmoins des connaissances assez proches. Naples ne se voyait pas les abandonner à leur sort.
— Je ne sais pas encore, admit Paul. Je n'ai pas envie d'aller menacer un scientifique souterrain ou de retrouver un baké pour lui faire parvenir son paiement. Le mieux serait qu'ils trouvent un autre endroit.
— Mais où ? Rome était une excellente solution à l'époque. Où pourraient-ils être en sécurité ? À part Ezeldar...
— S'ils ont été capables de s'adapter à Rome, ils se feront peut-être à l'aura de la cité aérienne, fit Paul.
— Hey, vous savez pourquoi il y a un potchep devant la maison ? lâcha Valens en descendant les escaliers.
Paul et Naples se regardèrent, étonnés mais Artie poussa un cri de frayeur. Naples se leva et alla voir à la fenêtre. Encadré de deux ders, il y avait bien un potchep. Il ne pouvait pas le rater, avec sa tête disproportionnée par rapport à son corps.
— C'est ton maître ? devina Paul en se tournant vers le rierack.
Ce dernier acquiesça, tremblant puis essaya de se réfugier dans le dos du défendeur. Paul retint un mouvement d'humeur et soupira.
— Où sont Cesare et Lucia ?
Valens fit un signe de la main vers l'étage et eut un léger sourire. Ses compagnons comprirent sans qu'il rajoute quoi que ce soit.
— Bon, je suppose qu'il va falloir faire cela par nous-mêmes, lâcha Paul en se levant. Restez près de Julia. Nous n'en avons pas longtemps, promit-il.
Le rierack prit la main de sa compagne et le Dux Reum s'avança vers la porte. Valens et Naples récupérèrent des armes et lui firent signe qu'ils étaient prêts. Paul ouvrit la porte.
— Bonne nuit, salua-t-il d'un ton affable.
— Vous protégez deux fuyards et un voleur, fit le potchep, retenant les ders qui voulaient déjà en découdre. Nous avons vu votre sceau chez eux.
— Possible, répondit Paul. Mais en ce qui me concerne, j'aide simplement mon pâtissier et sa femme.
Le souterrain jeta un regard noir au défendeur. Paul se raidit, prêt au combat. Bon sang, que je déteste ça, déplora-t-il intérieurement. 

Capitolo 10

Le combat ne dura pas longtemps. 
Valens ouvrit le crâne du premier ders en un temps record et Naples fondit sur le second avec rapidité puis lui fit subir le même sort. Sa garde rapprochée anéantie, le potchep recula. Paul avança sur lui, le regard ferme. Le souterrain trébucha et se mit à ramper sur le sol pour échapper au Dux Reum. 
Mais ce dernier le récupéra et le plaqua contre le mur.
— Tu t'attaques à Rome. Tu t'attaques au Dux Reum. Soit tu es fou soit tu es stupide.
— Ce rierack m'a volé mes données ! s'énerva le souterrain.
Il sentait que le défendeur ne le tuerait pas tout compte fait et osa revendiquer ce qui lui appartenait.
— C'est vrai, concéda Paul. Mais le tuer ne servira à rien. Il les a données à un baké qui a dû les monnayer depuis des années. Je sais que la vengeance est un plat qui se mange froid mais pas à ce point-là.
— C'est une question d'honneur, cracha le potchep.
Paul eut un sourire.
— L'honneur... oui, je comprends. Mais vois-tu l'honneur me dicte que je ne dois pas te laisser les tuer. C'est un gentil couple.Tu ferais mieux de partir et de ne pas revenir.
— Compte là-dessus.
Paul le secoua fortement et le plaqua plus durement contre le mur derrière.
— Je pourrais te tuer. Ça ne me ferait ni chaud ni froid, annonça-t-il. Mais je n'ai pas envie de le faire parce que tu te querelles stupidement avec un de tes anciens serviteurs. Aimerais-tu perdre la vie à cause d'un rierack ? Tu parlais d'honneur, ce serait assez humiliant, non ?
Le potchep ne répondit pas mais lui lança un regard furieux. Valens et Naples eurent un sourire amusé.
— Tu as de la chance, aucun humain n'a pâti de ta pathétique vengeance. Si ça avait été le cas, je t'aurais tué. Et il s'en est fallu de peu. Le jour où cela arrive, je te retrouverai et je te tuerai. Peut-être très lentement. Je ne sais pas. Ça fait longtemps que je n'ai pas pris mon temps.
La lueur sadique qui passa dans le regard du Dux Reum effraya le souterrain. Il s'aperçut qu'il avait commis une erreur. Mais il avait été humilié, volé par un de ses serviteurs, par des créatures serviles et stupides. Certes, mourir à cause d'eux était humiliant mais vivre après un tel vol, n'était pas mieux non plus.
— Donc, je répète. Va-t-en et laisse tomber ! insista le Dux Reum avant de jeter le potchep à terre.
Il le fixa longuement et le souterrain finit par se relever. Il envoya un dernier regard noir aux défendeurs puis tourna les talons.
— On le laisse vraiment partir ? s'étonna Valens.
Ce n'était pas dans les habitudes de Paul de laisser ainsi s'échapper un souterrain. En général, il aimait bien finir le boulot.
— Ce n'est pas un souterrain dangereux pour les humains, fit le Dux Reum en guise d'explications.
— Sauf s'il continue à envoyer des ders à la pâtisserie, souligna Naples, peu convaincu.
 Il connaissait l'égoïsme des scientifiques souterrains. La plupart d'entre eux ne pouvaient pas tolérer un échec. Surtout quand il incluait un être qu'ils considéraient comme inférieur.
— Il le fera, affirma Paul, confirmant les craintes de son compagnon. Après tout, il est venu frapper à la porte du Dux Reum pour retrouver son serviteur. Il est prêt à tout.
— Qu'est-ce qu'on fait pour Artie et Julia du coup ?
Paul soupira. Il détestait vraiment les querelles entre souterrains. Surtout quand elles pouvaient déborder et impliquer des humains.
— On les convainc d'aller à Ezeldar, fit le Dux Reum en rentrant dans la maison.
Il retrouva Artie et vit que Julia s'était réveillée. Elle avait l'air outré et il comprit qu'Artie avait dû tout lui raconter. C'était déjà une bonne chose de faite.
— Je suis vraiment désolée pour Artie, s'excusa-t-elle en s'approchant de Paul. Merci de nous avoir aidés.
— Je vous en prie, dit Paul en inclinant légèrement la tête. Mais nous ne pouvons pas vous protéger plus longtemps. Notre rôle est de protéger les humains et vous les mettez en danger en restant ici.
Julia sembla encaisser l'information et hocha la tête. Artie allait intervenir mais elle lui fit signe de se taire d'un geste de la main.
— Ils reviendront ? devina-t-elle.
— Peut-être pas avant quelques temps mais... oui, ils reviendront, assura Paul.
Tout comme Naples, il avait perçu le regard noir du potchep. Il ne laisserait pas tomber aussi facilement. Quitte à déchaîner sur Rome des hordes de ders. Le Dux Reum n'avait pas envie de se frotter à tout ça. La fuite des rieracks vers un autre lieu permettrait peut-être de l'éviter. Au pire, le potchep voudrait se venger du Dux Reum mais Paul savait comment le recevoir. 
Et puis, il savait aussi que, malgré tous les liens qui pouvaient lier le potchep aux ders, les ders n'accepteraient pas de venir à Rome pour s'en prendre aux défendeurs. Terroriser et tuer deux rieracks pourquoi pas. Mais les défendeurs dans une cité céleste... c'était de trop gros risques. Paul était certain qu'ils refuseraient.
— Est-ce que vous avez une idée de l'endroit où nous pourrons aller pour être en sécurité ? demanda Julia. Ils pourraient nous retrouver partout sur Terre. Nous pensions que Rome était... inviolable.
— Ce n'est qu'une aversion violente de la part des vôtres qui les maintient en dehors de la ville. Et parce qu'ils peuvent trouver des humains ailleurs. Mais s'ils sont obligés, ils peuvent passer outre. C'était un risque que vous aviez pris en compte, rappela Paul et elle hocha la tête.
— Alors où ?
Paul échangea un regard avec Naples. Il n'y avait qu'un seul autre endroit.
— Ezeldar, répondit le Dux Reum.
Les rieracks soufflèrent comme des chats agressés. Paul s'attendait à ce genre de réaction et ne cilla pas. Les aériens n'étaient pas tous célestes mais Ezeldar avait sa propre aura et sa propre atmosphère difficile à encaisser pour certains souterrains. Malgré tout, ils accueillaient tout le monde, y compris les souterrains dans la mesure où ils avaient un talent particulier. Les pâtisseries d'Artie remporteraient aisément les suffrages, Paul n'avait aucun doute. Ezeldar leur était donc ouverte.
— Nous ne pouvons pas..., commença Artie d'une petite voix geignarde.
Julia le fit taire d'un geste brusque et se retourna vers lui.
— Comme si nous avions le choix, avec tes conneries, s'énerva-t-elle, le regard noir.
Artie allait protester mais elle lui conseilla silencieusement de ne pas tenter une réponse. Elle ne supporterait pas de contradiction. Son mari avait fait une énorme erreur et lui avait menti pendant près de sept ans. C'était bien trop. 
Valens eut du mal à garder son sérieux devant cette dispute de couple. Il se pencha vers Naples et se mit à murmurer :
— On pourrait croire qu'il va lui dire « Mais bobonne »... trop marrant.
Son compagnon fut surpris d'entendre cette moquerie dans la bouche de l'adolescent mais ne put s'empêcher de sourire. C'était effectivement très plausible et cela aurait été terriblement drôle.
— Très bien. Je ne connais pas les démarches pour aller à Ezeldar, ni le chemin. Pourrais-je abuser en vous demandant de nous y conduire ?
Paul sourit et hocha la tête. Cela ne lui faisait rien d'aider des souterrains à rejoindre la cité aérienne ou à trouver refuge sur Terre. Il n'aimait simplement pas devoir être obligés de les protéger. Refiler le bébé aux aériens était donc un soulagement. Les humains seraient en sécurité.
— Je vais vous y conduire, assura-t-il en s'approchant de la rierack. Vous souhaitez passer par chez vous pour prendre quelques affaires avant ?
Les souterrains hésitèrent mais finalement Julia secoua la tête.
— Non, ce n'est pas nécessaire.
— Mais qu'est-ce qu'on fera là-haut ? gémit Artie. Les aériens vont nous mépriser...
— Dès qu'ils auront goûté tes gâteaux, ils changeront d'avis, sourit Valens, se voulant rassurant.
— Ils mangent des pâtisseries ? s'étonna le rierack.
— Il y a des gourmands partout dans l'univers, assura Naples, amusé de l'incrédulité du souterrain. Et avec votre mousse à la framboise, vous ne craignez rien.
— Je suis effectivement certain que vous parviendrez rapidement à vous faire une place dans la cité, confirma Paul. Nous y allons ?
Les souterrains acquiescèrent puis Paul disparut avec eux. Valens et Naples soupirèrent et se regardèrent. Cette histoire avait été étrange. Ce n'était pas tous les jours que Rome était attaquée par des souterrains et encore moins pour une histoire aussi triviale. Ce n'était pas dans leurs habitudes.
— Bon, ben je vais aller m'entraîner. J'étais descendu pour ça à la base, lâcha l'adolescent en prenant le chemin du sous-sol.
— Tu t'entraînes beaucoup en ce moment, nota Naples.
Valens eut un grand sourire.
— Je veux pas être ridicule pour mon Apprentissage. J'ai pas envie de le repasser trois fois comme l'Initiation.
— Il y a moins de risques normalement, souligna Naples, amusé.
— Ouais, ben justement. On sait jamais.
Son compagnon sourit puis le regarda descendre. La fatigue le gagnait et il allait monter méditer quand Cesare arriva dans le salon. Il était torse nu et avait une marque rouge dans le cou et autour de son téton droit. Naples ne s'en étonna pas. Il voyait assez souvent le Valentinois après ses ébats avec Lucia.
— Est-ce que j'ai bien vu ? C'était un potchep avec des ders dehors ?
— Ah parce que tu les as vus mais t'es pas descendu ? s'amusa Naples.
— Je voulais mais Lucia... c'était la frustrer ou l'orgasme... j'ai préféré l'orgasme. Elle est imbuvable autrement, s'excusa Cesare en passant sa main dans ses cheveux. Mais ça va ? Ils voulaient quoi ?
Son compagnon retint un sourire puis se fit la réflexion que les cadavres des ders étaient toujours dehors. Il fallait les enlever avant que des humains tombent dessus.
— Je vais t'expliquer pendant qu'on ramasse les restes, décida-t-il donc en entraînant Cesare au-dehors.   

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire